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Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/198

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PARIS

tout enseignement fatigue — je vais entendre quelques hommes: tantôt un prédicateur célèbre, tantôt un professeur de la Sorbonne ou du Collège de France, tantôt un conférencier du Cercle Catholique du Luxembourg, ou du Cercle du Boulevard des Capucines.

Puis, quand une séance de ce dernier cercle m’a mis de mauvaise humeur, je vais me délasser et dissiper mon ire sur les quais.

Que d’heures j’y ai déjà passées devant les séduisants étalages des bouquinistes ! C’est une de mes plus douces jouissances d’aller lentement de l’un à l’autre, donnant un coup d’œil, un salut, un souvenir, à tous ces grands hommes des siècles écoulés, dont la pensée nous éclaire encore, et dont les vieux livres dorment dans la poussière, souvent même dans l’oubli.

Je lis les titres de leurs ouvrages, et quand ils me sont inconnus j’en parcours les tables, et j’essaie de deviner ce qu’ils ont dû écrire sur les sujets indiqués. J’y vois partout, tantôt des amis, tantôt des ennemis qui se coudoient sur le même rayon; quelquefois, deux génies qui, sans se connaître, ont défendu les mômes erreurs, ont prêché les mêmes vérités, le prêtre à côté du laïque, le prince près de l’enfant du peuple, le frère et la sœur, le mari et la femme, plus rarement le père et le fils !

Enfin, lorsque le soir arrive, je traverse la place du Palais Royal, et je vais m’installer dans un fauteuil d’orchestre de la Comédie Française.

Jugez de mes jouissances intellectuelles, lorsqu’on y joue une pièce de Corneille, de Racine, de Molière,