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Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/319

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les mœurs en riant. Il est ici chez lui, dans sa maison, et ses chefs-d’œuvre y sont constamment joués par les meilleurs acteurs de la France. Personne ne contestera son génie, ni la perfection de son style, ni sa connaissance profonde de la nature humaine. Ses inimitables comédies en vers n’ont pas été, et ne seront peut-être jamais surpassées, ni même égalées.

Mais peut-on dire que ce grand poète, qui était en même temps comédien, ait corrigé les mœurs de son temps ? L’histoire répond : non ; et si Louis XIV réforma sa vue, et sa tlour, l’on sait bien que le mérite en revient à Bourdaloue et à madame de Maintenon.

Molière moraliste ! Mais il était plutôt corrupteur. Au lieu de châtier les mœurs de la Cour, et de les livrer au mépris des honnêtes gens, il flattait le roi adultère et ses coupables maîtresses. La Princesse d’Elide, le Festin de Pierre et Amphytrion sont là pour attester qu’il les encourageait, tandis qu’il tournait en ridicule non les coupables, mais les innocents, et les victimes.

Le clergé, ayant à sa tête Bossuet, et surtout Bourdaloue, l’illustre jésuite, osa élever la voix contre l’œuvre corruptrice du théâtre. Mais il fut à son tour traîné sur la scène et ridiculisé dans Tartufe. Cette comédie fit un mal immense, et elle en fait encore. Quand je l’ai vu jouer à la Comédie Française, Tartufe portait une longue redingote noire, boutonnée jusqu’au cou et descendant assez bas pour imiter une soutane ; et les applaudissements de l’auditoire soulignaient certains passages qui ne laissaient aucun doute sur sa personnification véritable.