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Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/373

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PARIS

pas le salut, ni son aurore… Ce goût de l’oignon est maintenant dans notre nature ; supposez que nous tous, qui nous croyons de bons catholiques, allions fonder une colonie dans votre bon Canada, je vous prédis que nous n’y serions pas dix ans sans commencer à y planter de l’oignon ! »

Ces propos, que M. Veuillot n’aurait peut-être pas voulu écrire, il me semble intéressant de les reproduire ici dans leur forme familière et pittoresque, et j’ose espérer qu’il ne s’en offensera pas si jamais ces lignes arrivent jusqu’à lui.

D’autres jours, il lui semblait que l’avenir se faisait moins sombre, et que l’espérance dorait l’horizon. « Pour nous sauver, disait-il alors, il nous faut un homme. Qui sera-t-il ? Nous n’en savons rien, mais nous croyons fermement qu’il viendra. Il y a trente ans que nous le demandons à Dieu : il faut bien qu’il nous le donne, et cet homme-là ne fera pas le bonheur de l’Allemagne. »

Souvent, le rédacteur-en-chef de l’Univers abandonnait ces domaines austères de la politique, et se mettait à discourir gaîment sur mille et un sujets. De quelles causeries scintillantes il éblouissait alors ses hôtes ! Quelle gerbe de traits nous aurions pu y glaner, s’il nous en avait donné le temps ! Mais c’était un jet continu d’étincellements qui nous émerveillait !

Je rencontrais généralement chez lui son frère Eugène, plus jeune mais plus grave, excellent polémiste aussi, très érudit, doué d’une intelligence droite et