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LE CENTURION

— Évidemment. Vous comprenez combien j’ai hâte maintenant de revoir mon pays, et surtout ma ville bien-aimée…

Notre conversation s’est prolongée assez tard dans la nuit.

Il faisait un temps délicieux. Le ciel était calme ; et de temps en temps, les rameurs chantaient avec l’accompagnement cadencé de leurs rames. J’espérais que dans les longs plis ondoyants de la mer d’azur j’allais apercevoir quelques Néréïdes, et entendre les voix des Syrènes. Mais je n’ai rien vu ni entendu.

Quand je me suis éveillée ce matin nous passions entre Charyble et Scylla. J’ai couru sur le pont pour voir ces gouffres effrayants dont Homère et notre Virgile ont fait une description si terrible. Mais Éole retenait son souffle, et les deux monstres étaient endormis, je présume : car je n’ai pas vu leur écume, ni entendu leurs aboiements sinistres. C’est donc encore une fable de nos poètes. Je commence à croire que tout est fable chez nous, à commencer par la religion.

Nous rasons lentement à force de rames la côte de Sicile, et voici l’Etna qui lance vers le ciel une énorme colonne de fumée noire, sillonnée de flammes rouges. Ici, les poètes n’ont rien exagéré.

Je relis la pompeuse description que Virgile a faite du Volcan, et je la trouve au-dessous de la vérité. Les vers sont beaux et sonores, mais ils