Aller au contenu

Page:Roy - Romanciers de chez nous, 1935.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
LES ANCIENS CANADIENS

fur et à mesure que se développe l’action, et assez distinctement, se profiler, se dessiner et se préciser la silhouette, le personnage des principaux héros.

De Gaspé n’insistera pas non plus sur la composition du portrait physique de ces personnages. Il lui suffit de nous avertir que Jules est de petite taille ; qu’à dix-huit ans il est frêle, brun ; qu’il a de glands yeux noirs, vifs et perçants, et que ses mouvements sont brusques et saccadés, tandis que son ami Arché est plutôt grand, robuste avec des yeux bleus et des cheveux blonds. Arché a aussi le teint blanc et un peu coloré avec quelques taches rousses au visage et aux mains, et son menton s’accuse et se prononce fortement. Le premier est français, l’autre est écossais.

S’il s’agit ensuite de définir et de fixer l’âme et le caractère de ces deux jeunes gens, il n’y a plus guère qu’à les mettre en présence, eux, fils de deux races si différentes, et qu’à les faire se rencontrer et se heurter, se rapprocher et s’opposer.

Au collège, Jules est espiègle, railleur, taquin, tenace et indiscipliné. Il saute comme un singe sur les épaules de ses camarades, leur tire les cheveux, descend, court à un autre, et promène ainsi par toute la cour ses folles étourderies. Mais il est spirituel en même temps que très gai, et il captive donc et retient la sympathie de tous. Au surplus, il est bon et généreux. Il paye volontiers les dettes des jeunes amis qui sont en danger d’être fouettés, et il sollicite un jour, comme un bien inestimable, cette amitié de l’orphelin, qui va désormais remplir sa vie. Et il veut que cette amitié soit forte et solide, et pleine de confiance. Il éprouve le besoin de se reposer sur une âme qui soit plus calme et plus sérieuse que la sienne. Il a donc beaucoup de gravité sous cette légèreté apparente qui emporte et égaye sa jeunesse : par quoi, certes, Jules ne laisse pas de représenter encore et très exactement l’âme française.