Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/147

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ce qu’on a laissé, on renouvellera par ce moyen les gâteaux dans la ruche.

On emporte tout de suite le vol qu’on a fait aux abeilles, autrement elles sortiroient pour s’en emparer : avant de le soustraire à leur envie, on balaye avec une plume toutes celles qui peuvent être restées sur les gâteaux qu’on a sortis de la ruche ; on leur met une petite planche, dont un bout repose à terre & l’autre sur la table de la ruche, afin qu’elles y montent pour aller retrouver leurs compagnes, & se consoler mutuellement de leurs pertes. En tournant la ruche de sorte que le derrière se trouve sur le devant, on a soin d’y pratiquer une ouverture qui serve de porte aux abeilles, & on condamne l’ancienne. Deux jours après cette opération, il faut visiter les ruches le matin, ou après le soleil couché, afin de ne point déranger les abeilles, & de ne pas s’exposer à leur colère : on soulève légérement la ruche pour balayer la table, & en ôter les mouches mortes, les morceaux de gâteaux qu’on a coupés ou brisés involontairement, & qui étoient restés dans la ruche : on la scelle ensuite sur son support avec du pourjet, & on ne laisse d’autre ouverture que celle qui doit servir de porte aux abeilles pour entrer dans leur domicile.

L’abbé de la Ferrière & Simon recommandent de couper & d’enlever toutes les cellules royales, qu’ils appellent des sifflets, & qui sont fort aisées à distinguer des autres par leur forme extraordinaire & leur grosseur, afin de prévenir les désordres que pourroient occasionner plusieurs chefs dans la république : cependant ils veulent qu’on ménage & qu’on ne touche point au couvain : mais à quoi bon l’épargner, si on tue les chefs qui se mettroient à sa tête, quand il seroit en état d’aller former un établissement hors de sa patrie : au moins auroient-ils dû en conserver deux ou trois, afin de laisser aux abeilles la liberté de choisir leur chef, & non pas les exposer à en avoir un peu propre peut-être à les gouverner. Ce conseil destructeur est très-mauvais ; les abeilles sauront bien elles-mêmes, après avoir fait le choix qui leur convient, se défaire de ces chefs inutiles, dont l’existence, toujours onéreuse à l’état qui les souffre, seroit un sujet continuel de divisions & de désordre.


Section VII.

Manière de tailler les Ruches composées de plusieurs hausses.


C’est un vrai badinage que d’enlever une partie des provisions des abeilles qui sont logées dans des ruches composées de plusieurs hausses : dans toute saison & à toute heure on peut le faire, sans exposer les abeilles à mourir sous un couteau que la main ne peut pas toujours conduire, comme on le veut, dans une ruche où l’on taille les gâteaux avec une précipitation extrême ; sans que le couvain, qui est hors de tout danger, soit jamais endommagé, & sans courir soi-même le moindre péril d’être assailli & piqué par une foule d’abeilles, qui, malgré toutes les précautions qu’on prend, se jettent