Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/224

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les vignes ainsi accolées, vites cantheriatœ. On pourroit encore mettre de ce nombre les vignes en hautains des environs de Grenoble, du Béarn, &c. Pline nomme, vites compulviatœ, celles qui sont palissées contre des murs & des treillages. Le tems d’accoler les vignes est le mois de Juin, alors elles ont poussé de nouveaux sarmens ; ils sont tendres, & si on les laissoit libres, le vent un peu violent les casseroit net à l’endroit de leur réunion au cep. Un vigneron attentif ne doit pas perdre un seul instant, jusqu’à ce que sa vigne soit toute accolée, sur-tout si le vent est dans le cas de la fatiguer, ainsi que cela arrive toujours à celles exposées sur des côteaux. La jeune pousse cassée diminue considérablement, non-seulement la récolte sur laquelle on fondoit ses espérances, mais encore celle de l’année suivante, puisque le cep ne peut pousser, après la perte des maîtres sarmens, que des branches chiffonnes qui resteront deux ans à donner du bon bois pour la taille.

Est-il avantageux d’accoler les vignes ? Dans le Bas-Languedoc, & dans la majeure partie de la France méridionale, on regarde cette opération comme inutile, & on dit froidement : ce n’est pas la coutume : mot terrible qui nuit plus à l’agriculture que les grêles & que les gelées. Le mal occasionné par ces météores est passager, & le mot coutume, semblable à un mur d’airain, s’oppose à toutes les améliorations, même les plus simples & les plus faciles à pratiquer.

L’accolage suppose l’existence de l’échalas ou de tel autre soutien. L’achat de l’échalas est très-coûteux ; il s’use, il faut le renouveler, l’arracher de terre & le mettre en sautelle, suivant la coutume de quelques vignobles du royaume ; l’appointir de nouveau à la fin de l’hiver ; enfin le ficher en terre. Il faut des osiers pour lier le cep & les sarmens, & de la paille pour accoler les jeunes pousses. Voilà encore un fort objet de dépense que la vigne entraîne, outre celle pour sa culture, tandis que la vigne, livrée à elle-même après la taille, ne demande plus qu’à être travaillée à la main ou labourée, ce qui est plutôt fait, ainsi que cela se pratique dans le Bas-Dauphiné, le comtat d’Avignon, la Provence, le Languedoc, une partie du Bordelois, de l’Angoumois, &c.

Si on n’envisage que l’argent déboursé par avance, il est constant que l’usage des échalas doit être proscrit ; mais il en sera bien autrement, si on met en comparaison & dans la même balance les avantages & la qualité supérieure du vin qu’il procure.

Pour ne pas parler trop vaguement, jetons un coup-d’œil sur les différentes vignes du royaume, en commençant par le nord, & on verra les différentes manières d’accoler.

En Champagne, dans l’Isle-de-France, &c. le cep & ses cornes ne s’élèvent pas au-dessus de huit à dix pouces, & montent rarement à la hauteur de douze & de quinze pouces ; alors c’est la faute du vigneron qui n’a pas su ménager & modérer le cep. Le fruit