Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/269

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

défectueuses, de détruire les abus, & par votre exemple, de montrer aux habitans du canton les défauts ou les absurdités de leurs cultures. Prêchez d’exemples & non de paroles ; voilà le grand point, la plus solide, & la seule instruction à donner à des paysans. Ils ne lisent pas ou ne savent pas lire, mais ils observent. Vos succès ou vos bévues seront pour eux le livre qu’ils liront, qu’ils comprendront très-bien, & le seul à leur portée. Ces hommes grossiers ne quittent jamais d’eux-mêmes le chemin battu ; timides par ignorance & par intérêt, ils n’osent se frayer des routes nouvelles. Pour inventer, pour changer ou pour perfectionner, le loisir & les avances sont nécessaires ; & ils n’ont ni l’un ni l’autre. Ils labourent, ils travaillent comme les araignées filent leurs toiles & les castors bâtissent leurs maisons, c’est-à-dire machinalement, à l’exemple de leurs pères ; mais offrez-leur une nouveauté qui frappe leurs yeux, ils seront long-tems à l’examiner, à douter s’ils l’adopteront ; enfin, si l’un se décide, tous les habitans du canton suivront peu à peu son exemple. C’est l’histoire des moutons ; où l’un a passé, tous les autres passent ensuite. Il n’y a pas d’exemples, & s’il en existe, ils sont fort rares, que des méthodes ou des procédés aient été simplifiés ou perfectionnés par des cultivateurs ordinaires. On doit ces heureux changemens, les innovations utiles, à des gens étrangers à la profession de cultivateur, mais qui chérissent l’agriculture, qui l’examinent avec attention, & qui joignent à des connoissances multipliées, l’habitude de la méditation. C’est à leurs soins, à leur zèle, à leur patience, qu’on doit cette espèce d’émulation pour l’agriculture qui s’est soutenue sous le dernier règne pendant quelques années, & qui s’est trop tôt ralentie pour l’intérêt du royaume. On les reverra, ces jours heureux, dès que le monarque paroîtra s’occuper de l’agriculture, & lorsqu’il lui accordera liberté & protection.



DEUXIÈME PARTIE.

Considérations sur l’Agriculture de quelques Peuples.


L’origine de l’agriculture, simplement considérée comme l’art mécanique de fouiller la terre, de lui faire produire des plantes & des fruits, de conduire les troupeaux dans les pâturages, &c. se perd dans les siècles les plus reculés. Tant que les hommes vécurent isolés & par petite famille, les fruits grossiers que la terre produisoit suffirent à leurs besoins. À mesure qu’ils se multiplièrent, les sociétés prirent naissance, & les besoins suivirent la progression du nombre des individus. La loi impérieuse de la nécessité les força de cultiver la terre, lorsque le lait des troupeaux ne fut plus suffisant pour les nourrir : ainsi, l’époque de l’agriculture est celle de la naissance des sociétés.

Presque toutes les nations ont fait honneur à leurs dieux de l’invention de l’agriculture, & toutes par reconnoissance s’empressèrent à couvrir leurs autels des prémices de leurs travaux. Les égyptiens adorèrent Osyris, comme un dieu bienfaisant qui leur avoit enseigné l’art de faire produire à la terre de quoi