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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/33

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qu’on n’espéroit la trouver, au fond de laquelle on apperçoit le trou de l’œsophage, qui ne permet pas de douter que cette ouverture ne soit une vraie bouche. Son contour intérieur plus brun & plus luisant que les chairs des environs, paroît être cartilagineux : dans bien des circonstances elle est recouverte par une langue charnue très-flexible, dont l’extrémité est diversement figurée, selon l’usage auquel elle est employée. Dans des momens elle est pointue comme celle d’un serpent ; dans d’autres elle est également large, & n’a qu’une pointe au milieu, qui devient ensuite mousse, & d’autres fois elle forme trois pointes mousses, disposées en fleur de lis. Cette langue facilite le passage des alimens que les dents ont broyés dans la bouche & dans l’œsophage ; elle aide, par ses diverses inflexions, à la sortie du miel & de la cire, quand ces matières sont parvenues de l’estomac à la bouche ; dans la construction des alvéoles, c’est une truelle qui porte, applique, étend la cire dans les endroits où elle est nécessaire.

Swammerdam, qui avoit disséqué quantité d’abeilles, n’avoit pas soupçonné l’existence de cette bouche ; & sans cette connoissance, il n’est pas possible de rendre raison de tous les phénomènes que l’histoire naturelle des abeilles présente à notre admiration. Cette découverte est le résultat des observations de M. de Réaumur ; il y a été conduit, comme il le dit lui-même, par nécessité, en cherchant à rendre raison d’une quantité de faits merveilleux qui devenoient inexplicables sans elle. Elle n’eût point échappé à Swammerdam, s’il eût moins tenu à l’opinion qu’il avoit, que la trompe étoit le seul conduit des alimens, & s’il ne se fût pas contenté de ne la considérer qu’en dessous, comme il paroît par les dessins qu’il en a donnés. Une expérience bien simple pouvoit le conduire à cette découverte ; il suffisoit de presser la tête de l’abeille entre deux doigts, la goutte de miel qui auroit paru tout de suite au bout de la pince que forment les dents, lui auroit fait soupçonner une autre ouverture que celle qu’il croyoit être au bout de la trompe.

Lorsque la trompe de l’abeille est dans l’inaction, elle demeure pliée en deux ; attachée auprès du col, elle remonte en ligne droite jusqu’au bout de la pince que font les deux dents rapprochées l’une de l’autre ; là, elle se replie sur elle-même, & sa pointe revient joindre sa base. Quand elle est ainsi pliée, ou même redressée sans être alongée, les étuis la recouvrent entièrement ; par conséquent ce n’est que son enveloppe qu’on voit alors. Si on la tire en avant autant qu’elle peut l’être, de façon qu’elle ne fasse plus de coude au bout des dents, & qu’on la presse à son origine, on voit deux pièces à droite, & deux à gauche, se séparer d’une cinquième qui demeure au milieu, & qui est la trompe elle-même. Les deux premiers étuis qui sont recouverts par les deux autres, lorsque la trompe est dans le repos, ont leur origine au coude qu’elle fait étant pliée. Chacun de ces deux demi-étuis est composé de deux lames écailleuses, disposées en forme de canal angulaire, dont la cavité est du côté de la trompe dont ils