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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/347

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Section II.

Qualités de l’Air fixe.

L’air fixe est un fluide élastique, transparent, sans couleur, miscible à l’air & à l’eau, d’une pesanteur spécifique infiniment moindre que celle d’aucune liqueur, même des plus légères ; d’une odeur piquante, qui n’est pas désagréable. Telles sont ses qualités extérieures, & qu’on peut saisir au premier examen. Elles sont si sensibles, qu’elles avoient induit en erreur la plupart des savans, en leur faisant confondre l’air fixe avec l’air atmosphérique ; mais ils diffèrent l’un de l’autre par des propriétés essentielles. 1o. Leur pesanteur spécifique n’est pas la même. L’air fixe est manifestement beaucoup plus pesant que l’air atmosphérique ; mais cet excès de poids ne va pas au double, comme quelques auteurs l’avoient avancé. C’est à cette pesanteur spécifique qu’est due la difficulté qu’il a de s’élever dans l’atmosphère au-dessus d’une cuve de vin ou de bière en fermentation. Pour la rendre sensible & frappante, voici une expérience assez curieuse. Introduisez dans une cuve en cet état, un tison ou un flambeau allumé ; dès qu’ils seront parvenus dans la couche d’air fixe qui surnage la liqueur en fermentation, ils s’y éteindront subitement, Mais comme l’air fixe a la propriété de retenir la fumée, & de l’empêcher de se mêler avec l’air extérieur, elle se distribue dans toute l’épaisseur, sous la forme d’une couche de brouillard blanchâtre qui se distingue parfaitement de l’air environnant, parce que ce dernier conserve toute sa transparence. Si on vient à agiter cette masse d’air fixe imprégnée de fumée, elle forme des ondes, des vagues quelquefois assez hautes pour surmonter les bords de la cuve. C’est dans cette circonstance que l’excès de la pesanteur de l’air fixe sur celle de l’air commun, devient bien sensible ; car alors, on le voit se répandre & tomber perpendiculairement jusqu’à terre, le long de la cuve. C’est à ce même excès qu’il faut attribuer la facilité qu’a l’air fixe de remplir promptement les appartemens où il se dégage, & d’en chasser l’air commun plus léger que lui.

2o. La qualité qui différencie le plus l’air fixe de l’air atmosphérique est sa vertu delétère & méphitique qui détruit absolument le principe de vie dans les animaux qui le respirent, & qui forme un obstacle insurmontable à l’entretien de la lumière & des corps embrasés. Si l’on remplit un bocal, suffisamment grand, d’air fixe, & que l’on y renferme un animal quelconque, comme un oiseau ; ou plus simplement encore, si l’on verse de l’air fixe par-dessus un animal placé dans un vase, ce fluide, en raison de sa pesanteur, déplacera l’air commun, & occupera bientôt toute la capacité du vase. Dès que l’animal se trouve plongé dans ce nouvel air, il s’agite & cherche à s’échapper : il élève la tête, ses yeux sont fixes, sa bouche, ses narrines s’ouvrent, il respire difficilement ; cette difficulté augmente rapidement ; des tremblemens, des convulsions agitent tout son corps, principalement la poitrine & le col : il tombe enfin