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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/102

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mise sur le pressoir ; si elle l’étoit davantage, il resteroit moins de vin dans le marc, & le bénéfice du fermier seroit moins considérable. Tel est le déplorable effet du privilège exclusif ; c’est ce qu’on appelle récolter sans semer. Le produit de cette distillation monte souvent à plus de 50000 livres. Partons de ce point, même sans mettre en ligne de compte les frais de régie, & les bénéfices des fermiers : si le terrein de quatre lieues à la ronde de la ville de Metz donne un tel bénéfice, quel sera donc le produit de la distillation du total du marc du royaume ? Combien ce produit n’adouciroit-il pas pour chaque propriétaire le poids des impositions ! La conséquence naturelle à tirer, est que la défense de la distillation des marcs devient une soustraction réelle de la richesse du particulier & de l’état.

III. Les eaux-de-vie de marc, de cidre, de poiré peuvent-elles préjudicier au commerce des eaux-de-vie de vin ? Il vaudroit, je crois, autant demander, la fabrication des bas de laine nuit-elle à celle des bas de soie ? C’est ici le grand champ de bataille des zélateurs de la prohibition ; ils enfantent des chimères pour avoir le plaisir de les combattre, & sous le spécieux prétexte du bien public, ils ne songent réellement qu’à leur intérêt particulier. Leurs objections se réduisent à trois en général.

1°. On peut abuser de ces eaux-de-vie en les mêlant avec celles qui proviennent immédiatement du vin. Je ne dis pas que ce mélange soit impossible, mais il sera inutile & en pure perte, tant qu’on ne perfectionnera pas la manière de les fabriquer. Elles ont un goût & une odeur qui les décèlent par-tout oh elles sont incorporées, & l’étranger à qui un vendeur expédierait cette mixtion, ne l’accepteroit pas, ou bien il la vendroit au péril & risque de celui qui l’auroit envoyée ; c’est la loi du commerce. Les commissionnaires pour l’étranger, sont tellement connoisseurs, même sur les eaux-de-vie de vin, qu’ils distinguent au goût, non-seulement de quel canton elles sont, mais depuis combien d’années elles sont fabriquées, & ils les paient & ils les vendent en conséquence. L’acheteur est forcé d’avoir les mêmes connoissances, puisque le prix qu’il paie, varie suivant la qualité de la marchandise. S’il est trompé une fois, il n’y reviendra pas une seconde. L’acheteur & le vendeur ont donc un intérêt respectif à se ménager ; ce qui est démontré par l’expérience de tous les jours.

Si l’eau-de-vie de marc est faite ainsi que je l’ai indiqué au mot Distillation, cette eau-de-vie sera vraiment recevable dans le commerce & au taux des eaux-de-vie communes ; l’acheteur les paiera, pour ce qu’elles sont, & ce sera une nouvelle branche de commerce pour le royaume ; revenons à l’impossibilité du mélange.

2°. La permission accordée aux eaux-de-vie de marc, &c. détruiroit la confiance des étrangers pour nos eaux-de-vie de vin. Tout le monde sait que les eaux-de-vie de vin du Languedoc sont bonnes & de qualité inférieure à celle de l’Aunis : au mot Distillation, j’en ai assigné la cause. L’étranger sait qu’en Languedoc on y brûle les marcs ; il a su également que MM. les

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