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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/167

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ses talens & ses lumières n’ont pas peu contribué à perfectionner la manière de faire les vins. Si je ne suis pas de son avis en ce point, je le prie de m’excuser ; mais il n’est pas possible de parler contre ma façon de penser. Nous plaidons chacun notre cause devant le public, dont nous ambitionnons l’estime & les suffrages ; il sera notre juge & se décidera d’après les expériences qu’il aura faites suivant les deux méthodes comparées, en supposant toutes les circonstances égales ; venons au fait.

La grappe, ainsi qu’il a été démontré dans la première section, ne contient aucune partie sucrée, donc elle ne peut produire de spiritueux.

Les principes constituans de la grappe sont spécifiquement les mêmes que ceux du sarment ; ainsi, il n’est pas plus absurde de dire qu’il est avantageux de mettre du sarment fermenter avec le raisin, que de laisser la grappe. Cette proposition me paroît énoncée assez clairement, cependant M. Meunier, dans son ouvrage intitulé, Essais sur l’Angoumois, me fait dire que je conseille de mettre le sarment, fermenter avec le raisin ; il faut au moins lire avant de rapporter l’opinion des autres, afin de ne pas induire en erreur ceux qui lisent nos ouvrages.

Si la grappe contribue à l’amélioration du vin ou à sa conservation, c’est donc par son sel acide & par sa portion terreuse, âpre & austère, ou enfin par l’air fixe qu’elle contient & dont elle se dépouille en partie dans la fermentation, & qui s’unit au vin : j’examinerai ces assertions en répondant aux différens articles de M. Maupin. Je cherche la vérité de bonne foi, & ce n’est pas pour avoir le froid plaisir de critiquer, que je discute ses opinions. Les numéros suivans correspondent à ceux des assertions de l’auteur.

1. Il faut convenir avec M. Maupin, que la grappe ne durcit pas toujours le vin : par exemple, dans une année de pleine maturité, lorsque sa couleur, semblable à celle du sarment, annonce son exsiccation, on peut, absolument parlant, ne pas égrainer. Cependant, l’amateur de la qualité observera que ce bois sec ou presque sec, se renfle pendant la fermentation, qu’il se pénètre de la matière du vin, & qu’il absorbe une certaine quantité de spiritueux. Le pressoir le plus énergique ne sauroit entièrement extraire l’un & l’autre ; une preuve bien simple confirme cette assertion : séparez toutes les pellicules de raisins, &c. ne laissez que la grappe, faites-la même sécher au soleil, afin d’enlever la partie fluide qu’elle s’est appropriée ; dans cet état jettez-la dans une cuve avec une quantité d’eau proportionnée, la fermentation vineuse ne tardera pas à s’établir ; enfin, vous obtiendrez ce qu’on appelle communément petitvin, revin, piquette, buvande ; &c. distillez ce petit vin, & vous aurez de l’esprit ardent ; distillez ces grappes sans les avoir soumises à cette expérience, & vous retirerez de l’esprit ardent d’une qualité bien inférieure au premier. (Voyez le mot Distillation) Je dis plus : on obtiendra, proportion gardée, plus d’eau-de-vie des grappes que du vin même. Voilà donc une perte réelle, une soustraction de principes faite au vin, quand même cette grappe supposée sèche dans le commencement, étant ensuite pénétrée par le fluide en fermentation & par la chaleur qui l’accompagne, ne lui auroit pas communiqué son