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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/21

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au titre & celle qui perd. Ce seroit simplement l’affaire de trois robinets, à ouvrir & à fermer suivant le besoin dans les tuyaux correspondans aux pièces. On pourroit encore mélanger ces eaux-de-vie, unir les plus fortes aux plus foibles, afin de les rendre marchandes ; ce seroit une main-d’œuvre de plus. Pour connoître ce qui a été dit sur les différens titres des esprits, (lisez le mot Aréomètre)

Si on désire connoître la brûlerie la plus parfaite qui existe dans le monde entier, je conseille de voir celle que Messieurs Argand frères & citoyens de Genève ont fait construire à Valignac, vis-à-vis Colombiers, la première porte en venant de Montpellier à Nismes. On ne peut trop louer le zèle de M. de Joubert, sur tout ce qui concourt au bien de la province de Languedoc. Son patriotisme l’a engagé à appeler Messieurs Argand, l’un né avec le génie de la mécanique, & le second avec celui de la chimie & de la physique. Il est résulté un chef-d’œuvre de leurs travaux, & du zèle de M. de Joubert ; je suis charmé de trouver cette occasion de leur rendre la justice qu’ils méritent, & de leur témoigner publiquement l’impression agréable que m’a procuré la vue de leur établissement ; il n’existe rien de pareil, de si commode & de si économique ; beaucoup de brûleries sont meublées d’un plus grand nombre d’alambics ; j’en conviens, mais le nombre ne constitue pas la perfection.

Je ne puis donner ici les proportions exactes, mais simplement le résumé de ce que j’ai vu. Qu’on se figure un local à peu près de trente-six pieds de longueur sur trente de largeur. Juste dans le milieu, est placé un massif de maçonnerie quarré, lequel confient quatre fourneaux, leurs grilles, leurs cendriers, attendu qu’on ne brûle que du charbon de terre. Sur chaque fourneau est placée une chaudière d’une beaucoup plus grande contenance, que celle des chaudières employées dans les fabriques ordinaires. Une seule cheminée dans le centre du massif sert aux quatre fourneaux, & elle s’élève de quelques pieds au-dessus du toit. Ce toit est ouvert sur six à huit pouces tout autour de la cheminée, & cette ouverture est garnie de pièces de bois mince, & disposées comme les rayons d’un abat-jour, de manière que s’il y avoit de la fumée dans l’appartement, le courant d’air établi autour de la cheminée, l’auroit bientôt dissipée. Les rayons, presque en recouvrement les uns sur les autres, empêchent que la fumée des fourneaux qui sort par la cheminée, ne puisse par aucune espèce de vent être rabattue dans appartement ; avec de semblables précautions, on ne sent aucune odeur de fumée, & pas même l’odeur du charbon fossile qu’on y brûle.

Lorsque la distillation est finie, l’alambic se nettoie de lui-même par le moyen d’un robinet, qui permet à la vinasse de s’échapper à l’extérieur de l’appartement par des canaux souterreins, & par conséquent sans odeur ni fumée dans l’intérieur de la brûlerie. Un autre robinet s’ouvre & laisse couler de l’eau propre dans la chaudière, & elle se lave d’elle-même.

Chaque alambic a son serpentin plongé dans une vaste pipe, ou l’eau se renouvelle perpétuellement dans