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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/229

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étangs, &c. ont une double action ; ils agissent physiquement comme sels alcalis, & mécaniquement comme substances divisées en molécules très fines plus ou moins solubles dans l’eau, & par conséquent plus ou moins miscibles avec les molécules de la terre. C’est sur cette double propriété qu’est fondée toute la théorie de ces engrais, & de laquelle on doit déduire les règles de la pratique.


CHAPITRE III.

Des Engrais Végétaux et Animaux.

Section Première.

Des Engrais végétaux.

Le végétal est pourri par la terre & par l’air : il rend à la première plus qu’il n’en a reçu, & par une conséquence naturelle, autant à la seconde par ses abondantes transpirations qui, dans le tournesol, par exemple, sont dix-sept fois plus abondantes que dans l’homme ; cette transpiration est toujours en raison de la surface & de la multiplicité des feuilles. Telles sont les ressources inépuisables de la nature, tant que l’homme ne contrarie pas ses loix, & ne détruit pas, par ses labours multipliés, jusqu’à l’apparence de ce qu’il appelle mauvaise herbe. S’il alterne (voyez ce mot) ses champs, voilà l’engrais végétal tout formé, & au moyen duquel on parvient petit à petit à convertir une terre de médiocre qualité en un fol excellent. Voyez le huitième chapitre du mot Culture.

Outre les principes huileux, salins, aériens que la terre reçoit de l’herbe qui pourrit dans son sein & non sur sa superficie, la terre matrice reçoit d’elle la terre végétale ou humus qui a servi à sa formation, & cet humus, combiné de nouveau par la fermentation, entre les molécules de la terre matrice, prépare les matériaux de la charpente des nouvelles plantes, & les principes constituant de sa fève. Ces faits sont de la plus grande évidence, puisque l’analyse chimique fait sensiblement paroître à notre simple vue, l’eau, l’air fixe, l’huile, les sels, & la terre calcaire ou humus qui est le dernier produit : par cette voie la nature opère la composition, la décomposition & la recomposition ; enfin, perpétue le grand œuvre de la végétation, tant que l’homme n’y apporte aucun obstacle.

Jetons un coup d’œil sur les terres que l’on retire des fossés placés au bas des champs, des mares, & voyons pourquoi elles deviennent si productives lorsqu’elles sont répandues sur nos champs & enfouies par la charrue. J’ai déjà dit plusieurs fois que l’humus étoit soluble dans l’eau ; que la marne l’étoit également, &c ; s’il survient une pluie un peu forte, l’eau détrempe la terre, dissout l’humus & l’entraîne dans le fossé ; mais cette eau n’a pas pu entraîner seulement l’humus, puisqu’il étoit combiné avec les graisses & les sels produits par la décomposition des végétaux sous forme savonneuse ; elle a donc entraîné tous les principes constitutifs de la végétation, & les y a accumulés, sur-tout si le fossé ou la mare ont été assez spacieux pour contenir toute cette eau sans la laisser écouler.

L’amateur qui plante un pêcher, le fleuriste qui prépare la terre destinée aux renoncules, aux anémones, ne recourt pas aux engrais animaux,