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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/24

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peu trop le feu, & le filet sortit de la grosseur du petit doigt ; alors un bruit singulier, & semblable au sifflement occasionné sur une corne creuse, se fit entendre & avertit l’ouvrier de son imprudence. Mon étonnement fut extrême, lorsque je vis une espèce de soupape qui l’occasionnoit & qui étoit placée à dessein, afin d’avertir l’ouvrier lorsqu’il y a trop de feu ; elle existe sur les quatre alambics. Le mécanisme qui la fait jouer n’est pas visible.

Je ne puis me refuser au plaisir de décrire l’opération de la conversion de l’eau-de-vie, preuve de Hollande, en trois cinq, afin que chacun puisse juger par comparaison.

La chaudière a été chargée de quatre-vingt veltes de cette eau-de-vie ; on pesa cent six livres de charbon, & le feu fut mis à neuf heures du matin.

À neuf heures vingt-cinq minutes l’esprit a commencé à couler très-rapidement.

À midi on a retiré un buguet, dont l’esprit étoit à trente degrés & demi à l’aréomètre de Périca ou de Baumé.

À une heure vingt-une minutes, un second buguet, qui avoit remplacé le premier, a été retiré plein d’un esprit à trente degrés & un quart du même aréomètre.

À trois heures on a retiré un autre buguet plein d’un esprit, au titre de vingt-neuf degrés & demi.

À cinq heures, un autre buguet au titre de vingt-huit degrés.

À huit heures quinze minutes, un autre buguet, au titre de vingt-six degrés & demi.

À onze heures, un autre buguet, au titre de vingt-quatre degrés.

À une heure & demie, après minuit, un autre buguet, au titre de dix-sept degrés & demi.

Il a resté seize pintes du dernier phlegme, & il s’est consommé cent & une livres de charbon.

Le produit total a été de soixante-deux verges & trois cinquièmes, qui ont donné la preuve du trois cinq à l’aréomètre de Bories & de Baumé.

Il faudroit environ trois cents livres de charbon pour obtenir la même quantité de trois cinq dans les brûleries ordinaires, & on y passe trois à quatre jours à distiller de quoi remplir une pièce de soixante-quinze veltes.

Ce que j’ai dit est un simple apperçu de cet utile établissement ; mais c’est assez pour que ceux qui s’occupent de la distillation en sentent tout le mérite.

Il y a encore un point important dont je n’ai pas parlé : les chaudières, les chapiteaux, les serpentins ; en un mot, toute partie cuivreuse, employée dans cette brûlerie, est étamée : ce mot ne rend pas la chose, elle est doublée d’une composition dont MM. Argand font un secret ; elle est inattaquable par l’acide du vin, conserve extrêmement les vaisseaux, & on ne craint pas l’érosion du cuivre, ni sa décomposition qui se change en verd-de-gris : ce secret mériteroit d’être acheté par le gouvernement & rendu public.

On m’a dit que l’Académie de Montpellier avoit nommé ses membres de la classe de chimie, afin de rendre un compte exact aux États de Languedoc, & au ministre, des opérations de MM. Argand ; que ce compte avoit été rendu avec les plus grands applaudissemens ; & on a