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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/286

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un venin très-pénétrant & très-communicatif, dont la plus petite quantité suffit pour exciter une chaleur âcre & mordante ; une inflammation vive qui se termine par la mortification ou la gangrène, si l’on n’y remédie pas à temps. La nature de ce poison épidémique ou épizootique est donc de changer le caractère naturel, doux & balsamique des humeurs animales, pour leur communiquer le sien propre. Il excite, dans les animaux infectés, une chaleur cruelle, une circulation rapide ; il produit l’inflammation, des irritations nerveuses, des grincemens de dents, un prompt abattement des forces, la gangrène & la corruption ; quelquefois avant ou immanquablement après, la mort inopinée.

Le traitement de ces maladies est 1°. de diminuer, autant qu’il est possible, le cours impétueux du venin & d’en émousser les stimules ; 2°. de prévenir d’abord l’inflammation, presque toujours inséparable de la fréquence, de la violence des battemens des artères & de la grande agitation des humeurs ; 3°. de maintenir dans un juste équilibre l’action & la réaction des solides & des fluides. ; 4°. enfin, de procurer une voie convenable à la dépuration du sang & des humeurs.

Pour remplir la première indication, il faut, dès l’instant même de l’apparition de quelques symptômes de ces maladies, saigner la bête malade, par une grande incision faite au col, à la poitrine, ou aux deux endroits à la fois ; on peut tirer dans une seule fois, cinq, six & même sept livres de sang, selon l’âge & les forces de l’animal. Le lendemain de la saignée, si les symptômes n’étoient pas sensiblement diminués, on tirerait encore, par la même ouverture, une égale quantité de sang. Si, après cette seconde saignée, la violence du mal en exige une troisième, on la fera sans balancer ; passé le troisième jour, on ne saignera plus ; la saignée est pour lors entièrement inutile & même souvent mortelle. Quand le besoin est urgent, on peut même saigner deux fois dans un jour. Si l’animal est constipé & s’il ne rend que des excrémens endurcis & brûlés, on lui donnera à prendre soir & matin une demi-livre & plus d’huile de lin bien fraîche & un peu tiède ; on pourra aussi très-bien lui donner un lavement composé de deux livres de cette huile, & d’une once ou même d’une once & demie de sel ordinaire dissous dans un verre de bon vinaigre ; à défaut de seringue, on se servira d’une vessie de bœuf ramollie dans de l’eau tiède ; on la remplira avec le lavement, & à l’aide d’une canule ou d’un large chalumeau bien uni, on donnera le remède par les voies ordinaires, en prenant la vessie pour le faire pénétrer.

Afin d’étouffer l’action du venin, & de prévenir l’inflammation qui est la seconde indication à remplir, on ne donnera à l’animal, pour toute nourriture, que de la farine de seigle bouillie dans du petit lait ; s’il n’étoit pas possible d’en avoir une assez grande quantité, on feroit cuire jusqu’à consistance de bouillie, du son & des pommes, qui, quand même elles ne seroient pas mûres, feront cependant toujours beaucoup de bien ; à défaut de ces deux choses, on pourroit employer des concombres, des