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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/312

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rides un peu gangrenées. Le canal intestinal contenoit des excrémens ; les bords de l’anus étoient infiltrés de sérosités, & ses veines gorgées de sang.

D’après les observations de M. Nicolaw, on conclut qu’il est évident que la maladie qui ravage le pays Brouageais, consiste dans une perversion totale des humeurs, ainsi que dans le relâchement & l’inertie dans tout le système des solides. Le changement arrivé dans ceux-ci peut être primitivement l’effet d’un vice actuel du climat, & cet effet avoit été secondairement augmenté par la dépravation des fluides qui doivent en maintenir la force & le ressort. Si les troubles sollicités dans l’économie animale ne paroissent pas constamment particuliers à quelques parties, la raison en est simple, puisque c’est le fond du tempérament qui est essentiellement affecté, & que la machine entière est altérée dans son principe ; de plus, dès que ce désordre n’a pas lieu sur une partie, il n’est pas surprenant qu’on ne s’apperçoive pas du mal dès son commencement, & que les animaux succombent subitement sans qu’aucun accident apparent ait précédé une chute qui n’arrive qu’aussitôt que l’harmonie est détruite, au point d’éteindre le principe vital. Tous les progrès se font donc ici sourdement. La marche de la maladie est-elle moins obscure dans quelques unes des brutes attaquées ? Est-il en elles quelques parties sur lesquelles son action s’exerce sensiblement plutôt ou plus tard, & avec plus de fureur ? Ce ne peut être qu’à raison d’une infinité de causes occasionnelles capables de rendre un organe plus foible, & qui les dispose dès-lors à recevoir les funestes impressions de la dépravation générale ; enfin, le mal se manifeste, il paroît avec tous les symptômes effrayans qui l’accompagnent : ces symptômes sont un ensemble de tous les caractères de la putridité la plus complète, & la fièvre qui y est jointe, peut être déclarée une fièvre putride & gangreneuse.

Pour ce qui concerne les tumeurs qui se montrent au-dehors, elles doivent certainement être regardées comme une crise salutaire, sur-tout lorsque les solides ont encore assez de force pour déterminer vers le lieu où l’engorgement a commencé, une assez grande quantité des humeurs viciées, & pour en délivrer la masse.

Quant à la perversion des fluides, elle dépend des sucs mal élaborés, & d’ailleurs essentiellement éloignés des qualités requises & nécessaires pour être changés en un sang pur & louable : mais on pense, quoique ce ne soit pas l’opinion de M. Nicolaw, que cette perversion consiste plutôt dans la désunion & dans la dissolution des parties, que dans leur coagulation, ce qui paroît même confirmé par l’ouverture des cadavres ; ce dernier événement étant particulier aux fièvres inflammatoires, dans lesquelles les solides irrités, crispés, & redoublant de force, produisent plus de chaleur, plus de dissipation de la partie séreuse, & suscitent, par une suite immanquable, l’épuisement de ce qui demeure soumis à l’action des vaisseaux.

Tous ces faits & tous ces principes supposés, s’il arrive qu’un fléau aussi terrible se manifeste de nou-