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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/33

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ces eaux-de-vie ont un goût de feu & de brûlé : deux goûts très-différens.

La distillation, une fois commencée, n’est plus interrompue, & se continue souvent pendant la nuit. Défendez à vos ouvriers d’approcher aucune lumière près du bassiot ni du bas du serpentin, ou plutôt mettez-les dans l’impossibilité d’avoir des lumières à la main ; à cet effet, fixez, d’une manière invariable contre les murs de la brûlerie, des lampes, & que, pour les allumer il faille monter sur une échelle, ou bien les faire descendre avec une poulie. Lorsqu’elles seront remontées, fermez à clef l’espèce de boëte qui contient le bas de la corde. J’insiste sur cette précaution, parce que j’ai vu une brûlerie réduite en cendres, uniquement pour avoir laissé la lumière à la disposition des ouvriers.

J’ai déjà dit que, pour peu que le filet sorte chaud du serpentin, le courant d’air entraîne avec lui, & volatilise beaucoup de spiritueux. En approchant une lumière de cet atmosphère, il s’enflamme, enflamme l’esprit du bassiot, & il est très-rare qu’on parvienne à éteindre cette flamme.

Suivant la qualité des vins, on retire plus ou moins d’eau de-vie première. En Angoumois, par exemple, une chaudière chargée de trente veltes, comme en Languedoc, donne depuis vingt-quatre à vingt-six pintes d’eau-de-vie première, & depuis trente à quarante pintes d’eau-de-vie seconde. En Languedoc, au contraire, on retire cinq veltes ou quarante pintes, mesure de Paris, de la même eau-de-vie. La seconde, est dans les mêmes proportions.

Ces différens titres d’eau-de-vie ont souvent mis les marchands dans la possibilité de tromper les acheteurs, soit nationaux, soit étrangers. Les plaintes portées au Gouvernement, l’ont engagé à faire des loix relatives à cette branche de commerce. Par un Arrêt du Conseil du 10 avril 1753, Sa Majesté a ordonné que les eaux-de-vie seront tirées au quart, la garniture comprise, c’est-à-dire, que sur seize pots d’eau-de-vie forte, il n’y aura que quatre pots de seconde. Le fabricant sait à très-peu de chose près, combien trente veltes de vin doivent donner d’eau-de-vie première & seconde ; il sait encore, par le moyen de sa jauge, combien de veltes contiennent les bassiots dont il se sert. Lorsqu’il voit à peu près que l’eau-de-vie forte est prête à perdre, il jauge son bassiot ; & lorsqu’il trouve vingt mesures d’eau-de-vie forte, il laisse couler dans le même bassiot cinq mesures d’eau-de-vie seconde : ces vingt-cinq mesures sont ce qu’on appelle lever au quart ; l’eau-de-vie qui vient après est mise de côté pour la repasse. La première manière d’opérer est appelée brûler à chauffe simple & à chauffe double ou triple, lorsque l’on distille de nouveau cette eau-de-vie, soit seule, soit en la mêlant avec du vin, de manière à garnir la chaudière. Toute eau-de-vie à chauffe simple conserve toujours de l’acrimonie, & elle la perd successivement par des nouvelles distillations ou nouvelles chauffes : on en fait autant pour les repasses, ou bien on les rassemble toutes pour une chauffe séparée.

Des contestations avoient déjà nécessité un autre Arrêt du Conseil du