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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/331

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pêcher contre les murs de pareilles terrasses, il prospère difficilement à cause de l’humidité de la terre supérieure, qui communique sa fraîcheur au mur, & celui-ci à l’arbre. Je sais qu’il y a des exceptions à faire contre cette assertion, mais ces exceptions ne la détruisent pas.

Je propose l’abricotier, la vigne, ou tel autre arbre fruitier, dont les pousses soient vigoureuses, afin de remplir cet objet. Si le sol est maigre, graveleux, dépouillé de substance végétative, on doit s’attendre à peu de réussite, excepté tout au plus pour la vigne, & sur-tout pour le verjus, parce qu’il est chargé de larges feuilles qui servent à pomper les principes de la végétation répandus dans l’atmosphère : dans toute autre circonstance il faut faire ce terrein, c’est-à-dire, enlever le mauvais & lui en substituer un meilleur & même excellent, puisqu’il s’agit d’avoir des arbres forts & vigoureux. L’activité de la végétation dans nos provinces du nord n’égalera jamais celle des provinces du midi, attendu que la vigne même & l’abricotier, originaires des pays chauds, exigent une forte chaleur ; à cette différence près, on peut se flatter de tapisser les murs d’une terrasse de quelque longueur & hauteur qu’ils soient : l’exemple suivant en démontre la possibilité.

En 1720, le Sr. Billot, menuisier à Besançon, se promenant dans un jardin où l’on tailloit des vignes, y ramassa une branche que l’on venoit de couper sur une treille de muscat blanc, & la porta tout le jour dans sa main comme une baguette ; lorsqu’il fut rentré chez lui, il planta ce sarment dans un pot d’œillets pour en soutenir les dards.

L’année suivante, en visitant ses œillets, il s’apperçut que sa baguette avoit pris racine ; il n’hésita point à sacrifier l’œillet & à l’arracher pour laisser plus d’espace au nouvel arbrisseau, qu’il eut dès-lors envie de cultiver. Il le laissa dans le pot jusqu’au printemps, & alors il le trouva si augmenté en grosseur & en feuillages, qu’il crut le devoir mettre dans une caisse.

Au bout de deux ans, son pied de vigne crut considérablement, & lui produisit une douzaine de belles grappes de fort bons raisins. Comme la caisse ne pouvoit plus suffire, il fit un creux dans un coin de sa maison, située rue potun, exposée au midi, faisant face à une petite place, & y transplanta son pied de vigne. Comme ce cep avoit déjà besoin d’appui, il fit sur les deux faces de l’angle du mur de sa maison un petit treillage, où il attacha toutes les branches.

Il eut, dans peu de temps, le plaisir d’y cueillir du fruit en assez grande quantité pour en faire part à ses amis, qui le recevoient comme un fruit rare, parce qu’il naissoit dans une rue & au milieu d’une ville. Tout le monde s’intéressoit à une vigne si singulière, & aidoit son maître à la conserver.

En 1731, il y eut une gageure considérable sur le nombre des grappes de raisin ; elles furent comptées exactement, & il s’en trouva 4206.

Depuis ce temps-là, ce cep a augmenté si prodigieusement en largeur & en hauteur, que le Sr. Billot a été obligé, pour ne point arrêter son progrès, de pratiquer une galerie sur le milieu du toit de sa maison, suivant toute son étendue, qui est