Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/346

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fécondé à leur tour quelques fleurs des hybrides, & ayent rendu leurs semences, celles des sorbiers ordinaires ? L’opinion de M. von Linné est d’un grand poids. Ce célèbre botaniste qui a si fort resserré le nombre des espèces, n’auroit pas établi celle du sorbier hybride, s’il ne s’étoit auparavant assuré de sa propagation constante & uniforme. (Voyez le mot Hybride)

Section II.

Du Perfectionnement des Espèces.

Il se forme tous les jours des espèces nouvelles ; on vient d’en donner plusieurs exemples, & les jardinières du second ordre augmenteroient de beaucoup, si le nombre des amateurs étoit plus multiplié. Pourquoi les catalogues des fleuristes renferment-ils aujourd’hui un si grand nombre d’espèces de renoncules, d’hyacintes, de tulipes, d’anémones, &c. qui se perpétuent ou par griffes ou par cayeux ? C’est que l’amour des fleurs dégénère en passion ; l’enthousiasme soutient l’espérance, entraîne vers le travail ; enfin, entretient la patience même par l’envie de jouir. Les pépinières, au contraire, sont livrées à des hommes dont la subsistance dépend de leur travail ; ils n’ont ni le temps ni les moyens de faire des expériences, ni d’observer. Sur cinq cens pépiniéristes habitans la province, on n’en trouvera peut-être pas un seul en état de raisonner son métier, ni qui puisse avoir une idée autre que celles dictées par la routine de son père. Dans les environs de la capitale même, le nombre des observateurs est fort circonscrit, & si jamais il se fait une révolution dans ce genre, on la devra, en France, aux travaux de M. Duhamel, & en Angleterre, à ceux de M. Bradcez, qui, je crois, ont les premiers porté le flambeau de l’observation sur les arbres de toutes espèces. Si j’étois moins âgé, je reprendrois sous œuvre toutes les expériences indiquées par ces deux hommes célèbres ; & je les varierais de manière que, vraisemblablement, j’obtiendrais des résultats, & peut-être augmenterais-je de quelques points nos connoissances en ce genre. J’aime à croire qu’il excite beaucoup d’amateurs, dont il faut seulement diriger leur travail, afin de les mettre sur la voie ; & si je réussis à leur inspirer ce goût, ma récompense la plus flatteuse fera dans leurs succès.

Il y a deux ordres de perfectionnement ; le premier consiste dans les semis, & le second dans la greffe : les marcottes & les boutures perpétuent l’espèce & ne la perfectionnent pas. Au contraire, à force de multiplier les boutures, toujours de la même filiation, elles dégénèrent.

I. Des semis. Je dirais au fleuriste, parcourez les bois de nos provinces septentrionales, & vous y trouverez le type de ces belles jacintes ou hyacinthes : une petite tige s’élève, soutient une fleur chétive, de couleur bleue, tirant sur le violet, sans nuances, sans décoration secondaire. Eh bien, c’est de cette plante sur laquelle on marche avec indifférence, que sont provenues ces jacintes, dont souvent le prix d’un seul oignon monte à plus de 3000 liv. ! Je lui demanderais encore s’il connoît le type premier de ses renoncules, de les œillets ? La renoncule des marais ne le seroit-elle pas ? Croiroit-on que ce petit œillet rouge qui végète çà & là sur nos rochers, soit