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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/365

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huile. Cette eau ainsi imprégnée de l’esprit recteur, se nomme essence ou eau essentielle de telle ou telle plante. Ainsi, la différence entre l’essence & l’huile essentielle d’une plante vient de la nature de la base à laquelle l’esprit recteur est combiné ; dans l’essence, il l’est à l’eau végétale, & dans l’huile, à l’huile végétale. Quelques auteurs ont pensé que les huiles essentielles devoient leur volatilité à ce principe, parce que, dès qu’elles en sont privées, elles cessent, ou du moins elles sont beaucoup moins volatiles ; elles semblent même alors se rapprocher des huiles grasses, qui ne sont volatiles qu’à un degré de chaleur bien supérieur à celui de l’eau bouillante.

La volatilité des huiles essentielles est telle, qu’elles se dégagent des entraves qui les enchaînoient dans leurs vésicules, par un degré de chaleur égal à celui de l’eau bouillante ; c’est sur ce principe qu’est fondé le moyen de les obtenir par distillation, comme nous le verrons tout à l’heure.

Une chaleur douce leur fait bientôt perdre leur odeur ; si on les pousse un peu au feu, elles se volatilisent sans se décomposer. Quand on les chauffe avec le contact de l’air, elles s’enflamment promptement en répandant une fumée épaisse qui donne une suie très-fine & très-légère ; c’est une portion de la partie charbonneuse qui s’élève avec l’huile essentielle. Quand on les chauffe, au contraire, dans des vaisseaux fermés, elles donnent une très grande quantité d’air inflammable (voyez ce mot) ; elles sont solubles par l’esprit de vin. Lorsqu’on les laisse exposées à l’air, elles s’épaississent en vieillissant, & prennent la consistance de baume & même de résine, dont elles acquièrent presque tous les caractères. Pour les préserver, autant qu’il est possible, de cet accident, il faut les conserver dans des vaisseaux exactement bouchés ou mieux encore sous l’eau, lorsqu’elles font plus pesantes qu’elle, & dans un lieu frais. On peut les rétablir du moins en partie à l’état d’huile fluide, en les distillant avec l’eau ; mais on ne leur rend point l’esprit recteur, qu’elles ont perdu en s’épaississant.

Il est peu de parties dans les plantes, en général, qui ne recèlent des portions d’huile essentielle ; quelques-unes en sont imprégnées dans toutes les parties, comme l’angélique de Bohême ; d’autres n’en contiennent que dans la racine seule, comme dans l’aunée, l’iris, le dictame blanc, & la benoite ; ou dans la tige, comme dans les bois de santal, celui de sassafras, les pins, &c. ou dans l’écorce du bois, comme dans la canelle. Quelquefois elle se trouve, ou dans les feuilles, comme dans la lavande, la mélisse, la menthe, le romarin, le cochléaria, l’absinthe ; ou dans les fleurs, comme la rose, le jasmin, la lavande, le clou de girofle, qui n’est que le calice de la fleur du giroflier, ou dans les fleurs de l’orange, de la camomille ; ou dans les fruits, comme dans le citron, l’orange, la bergamote, la muscade, les baies de genièvre ; ou dans l’écorce de la semence, comme dans l’anis, les baies de laurier. Mais il n’y a point de semence qui en contienne dans son parenchyme ; la noix muscade, fait seule une exception à cette règle. L’huile essentielle se rencontre encore dans quelques baumes natu-