Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sucre, il est trop cher, de la melasse ou sirop de sucre ; elle augmente les mauvaises qualités de l’eau-de-vie, quoi qu’elle en produise davantage : le miel commun est la substance qui m’ait toujours le mieux réussi. Sur un marc qui aura fourni vingt à vingt-cinq barriques de vin, de deux cens vingt à deux cens trente pintes, mesure de Paris, ajoutez autant de livres de miel qu’il y aura eu de barriques ; on ne risque rien de doubler la dose. Ainsi, avant de jetter la première eau sur le marc, délayez le miel dans cette eau qui doit être fluide, & après l’avoir distribuée, que des hommes armés de fourches ramènent par-dessus le marc du dessous, afin que l’eau miellée mouille légèrement tout le marc. La fermentation ne tardera pas à paroître, & se soutiendra vive & bien décidée. Un tel vin gagnera beaucoup en esprit pendant tout l’hiver. J’en réponds, d’après une expérience de plus de vingt ans.

Section IV.

De la Distillation des lies.

Ce genre de distillation est presque inconnu dans le royaume, si on excepte dans la ville de Paris. Les marchands de vin y sont obligés de vendre leurs lies & leurs baissières aux maîtres vinaigriers ; ceux-ci, favorisés d’un privilège exclusif, se les procurent à un très-bas prix ; ils en retirent du vin pour le vinaigre, quelques parties d’esprit ardent, & convertissent le reste, au moyen de la calcination, en cendres gravelées. (Voyez ce mot)

Toute lie est visqueuse, tenace ; c’est en vain qu’on la met sous la presse, elle ne rend point le vin qu’elle contient. Si on veut l’en retirer, il faut la tenir pendant quelque temps dans une étuve, chauffer les plaques, la mettre dans des toiles & les presser dans cet état. Alors le vin s’en échappe, & il sert pour la fabrication du vinaigre, (voyez ce mot) ou bien on le distille.

Certains vinaigriers placent de grands vaisseaux de bois dans leur étuve, dans lesquels ils mettent les lies ; à mesure qu’elles s’échauffent, elles lâchent la partie vineuse, & par le moyen du robinet placé au bas du vaisseau, le vin coule dans des bassiots.

D’autres vinaigriers jètent ces lies, ces baissières telles qu’elles sont, dans l’alambic & les distillent. Il est aisé de concevoir à quel degré est mauvaise une pareille eau-de-vie. Afin d’empêcher ces lies de brûler, en touchant le fond de l’alambic, voyez, page 378 du premier Volume, la description de la machine proposée par M. de Vannes.

Sans recourir à cette machine, sans suivre les procédés des vinaigriers, je préférerois de noyer ces lies dans de l’eau chaude, de les agiter & remuer, afin de les diviser, de les faire filtrer, & le produit tiré à clair donneroit une eau-de-vie de qualité inférieure, mais non pas aussi mauvaise, que celle retirée par les procédés ordinaires. L’expérience a démontré que les esprits tirés des lies & des marcs, contenoient beaucoup plus d’huile de vin que le vin lui-même, proportion gardée.