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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/396

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avantageuse au vendeur & à l’acquéreur. Il est plus aisé & plus profitable à l’un & à l’autre, de vendre un beau poisson que deux petits : comme le local ou les moyens ne permettent pas de multiplier les étangs, & que souvent l’on est réduit à un seul, la régie est différente.

La pêche d’un étang unique fournit des carpes de vente, & un grand nombre qui ne le sont pas, à cause de leur petitesse, de l’alevin & de la feuille.

Lorsqu’on le pêche, on sépare chaque espèce, & l’on a pour cet effet, au-dessous de la bonde de l’étang, plusieurs réservoirs remplis d’eau, & qu’on peut mettre à sec à volonté ; dans l’un, on jette les brochetons & autres poissons voraces invendables ; dans l’autre, les carpes au-dessous de la vente, l’alevin & la feuille ; dans le troisième, toute espèce de roussaille, afin de la séparer complètement de la famille des carpes & des tanches. Il est essentiel de maintenir toujours un petit courant d’eau nouvelle dans ces réservoirs, parce que la multitude de poissons l’auroit bientôt viciée. On connoît que l’eau commence à être trop visqueuse & trop privée d’air, lorsque le poisson s’accumule à la surface, & qu’il pousse son museau hors de l’eau ; afin d’y respirer un air frais & salubre. Pour peu qu’on diffère à lui donner de nouvelle eau & faire dégorger l’ancienne, il périt par milliers.

Lorsque le grand étang commence à être rempli, on met à sec le réservoir qui renferme les carpillons & l’alevin de cinq à sept pouces ; ainsi que les petites tanches, & on les jette dans le grand étang après les avoir comptés, c’est à-dire, avoir fixé à peu de chose près, de quinze cens à deux milliers par arpent ; la force de l’alevin décide du nombre.

La crainte que cet alevin ne multiplie trop jusqu’au moment où l’étang sera pêché, engage d’y mettre des brochets. Je n’approuve cette méthode, que jusqu’à un certain point, & seulement dans le cas où l’on ne mettra que de la feuille de brochet & en petit nombre. Si le brocheton est aussi gros que l’alevin, celui-ci ne produisant pas dans la première année & très-peu dans la seconde, laissera manquer de nourriture aux brochets, & ceux-ci s’attaqueront à l’alevin, ils en diminueront prodigieusement le nombre ; au lieu que le petit brocheton se contentera de la feuille jetée pour son entretien, & la carpe trop grosse pour lui se soustraira à sa voracité. On prétend que les carpes d’un étang où il y a quelques brochets, sont plus délicates que celles qui vivent paisiblement, parce que, dit-on, la chasse continuelle faite par les brochets, les nécessite à un très-grand exercice, cela peut-être ; mais il est démontré que la crainte & la frayeur de la mort, sans cesse devant les yeux, n’engraissent pas : cette délicatesse de la chair de la carpe ne tourne certainement pas au profit du propriétaire de l’étang.

La pêche générale a lieu communément tous les trois ans, en comptant depuis l’époque après l’alevinage.

Si l’on ménage un étang pour les brochets, séparation que je conseille très-fort, c’est le cas d’y multiplier la menuisaille, & même tous les autres petits poissons blancs dont il faut sevrer les étangs à carpes &