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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/398

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cette opération, est d’obliger le poisson à déposer ses œufs dans un endroit où il y ait peu d’eau, afin que la chaleur des rayons du soleil la pénètre, réchauffe ainsi que la terre qu’elle recouvre ; cette chaleur suffit pour faire éclore le frai douze ou quinze jours après. La multitude d’œufs est si considérable que lorsque les petits poissons sont éclos, cette eau paroît presque noire. Jusqu’à ce qu’ils aient acquis une certaine force, ils folâtrent sur ces bords, animés par les rayons du soleil ; peu à peu ils s’en éloignent, enfin ils les abandonnent. Si la chaleur diminue le volume d’eau de l’étang, enfin, si l’eau ne recouvre pas toujours le frai, il est perdu, se putréfie sur le bord & corromps l’air ; j’ose même avancer, d’après mes observations, que ce frai desséché est la principale cause de l’odeur fétide des étangs, & de la corruption de l’air : tous les frais quelconques produisent cet effet. Si le frai reste couvert d’eau, il est plus long-temps à se corrompre, son odeur est moins forte & ses émanations moins dangereuses ; l’une & l’autre le sont toujours.

J’ai dit, en parlant du local d’un étang, que ses bords devroient être coupés à pic, afin de maintenir toujours, une certaine profondeur à l’eau, de l’empêcher de se putréfier ; enfin, d’empester l’air & de porter le méphitisme dans le voisinage ; cette assertion exige des modifications. Si tout l’étang étoit ainsi circonscrit, & ses bords par-tout à un pied d’eau de profondeur, il n’y auroit jamais de frai, ou du moins il périroit en très-grande partie : cette raison nécessite à laisser en plan légèrement incliné & sur une assez grande étendue, le côté par lequel l’eau se rend dans l’étang. Il y aura donc au moins les bords des trois quarts de l’étang qui ne seront pas nuisibles. Rien de si naturel que de pourvoir à la multiplication du poisson, mais il est plus naturel encore de songer à la conservation de la santé des hommes, & on verra bien-tôt jusqu’à quelle distance l’air empesté des étangs se propage.

Les bords coupés à pic ont un grand avantage, celui d’empêcher les bestiaux de venir piétiner le sol couvert de frai. Dès que l’agrégation de ce frai est rompue, la masse totale est détruite ; il est donc bien plus aisé de circonscrire, avec des ronces sèches, avec des palissades quelconques, un quart de l’étang, que toute sa circonférence.

D’ailleurs, si la sécheresse commence à se faire sentir, si on prévoit que cette partie du bord de l’étang ne sera pas recouverte d’eau jusqu’à ce que le poisson puisse sortir de l’œuf, il sera facile de lever dans sa longueur quelques pellées de terre, en manière de petite digue, afin d’empêcher le poisson de passer outre & d’assurer son frai.

Plusieurs personnes assurent que le frai de carpe ne prospère réellement bien, que lorsque la carpe a sept ou huit ans, & le mâle quatre ou cinq ; cette assertion me paroît paradoxale & contraire à l’expérience. On seroit heureux si elle étoit vraie, parceque les étangs seroient moins garnis de menuisaille qui affame les gros poissons. Il est