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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/483

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côté, augmente la chaleur, & par conséquent la fermentation.

Sans chaleur, point de fermentation quelconque ; mais trop de chaleur accélère la rapidité, la pousse trop vite, & au lieu de triturer uniformément les parties constituantes du raisin & du fluide dans lequel elles nagent, les brise plutôt qu’elle ne les divise. Dans ce cas l’air fixe & le phlogistique, (voyez ce mot) ou principe inflammable se dégagent avec impétuosité, & la liqueur produite par cette fermentation turbulente, n’est pas susceptible de le conserver aussi long-temps que si la fermentation avoit été modérée & graduelle ; ce vin aigrira facilement.

Il faut donc un degré de chaleur quelconque pour qu’une masse de raisin fermente ; mais on doit distinguer deux genres de chaleur, celle de l’atmosphère & celle inhérente à la masse mise à fermenter. Ces degrés de chaleur ne sont pas les mêmes, quoiqu’aux mêmes époques, ni les mêmes sur les différentes hauteurs de la vendange dans la cuve.

Supposons qu’un thermomètre, (voyez ce mot) placé à l’air extérieur, marque à huit heures du matin six degrés au-dessus de la glace, à midi 12, & 8 à cinq heures du soir ; le raisin cueilli à ces époques sera dans la matinée à quatre ou cinq degrés au-dessus de zéro, à cause de la fraîcheur qu’il a éprouvée pendant la nuit ; à midi, si le temps est clair & serein, sa chaleur égalera celle de l’atmosphère, & même elle sera plus forte suivant la réverbération à laquelle il aura été exposé ; à 4 ou 5 heures du soir la chaleur du raisin fera presqu’égale à celle du midi. Il résultera communément de ces trois degrés de chaleur différente, une chaleur moyenne dans la masse au-dessus de dix degrés ; mais si cette chaleur moyenne est au-dessous de dix degrés, la fermentation, avant d’être sensible, restera jusqu’à ce qu’il se soit établi dans la masse une chaleur de dix degrés.

Je crois être le premier qui ait reconnu & fait connoître cette progression dans la marche de la fermentation. Je ne veux pas dire pour cela, qu’il n’y a point de fermentation avant l’apparition de ce degré de chaleur ; mais elle n’a pas été sensible par ce qu’on appelle ébullition ou dégagement de l’air, ou sifflement. Par exemple, en 1740, année calamiteuse pour tous les vins du royaume, & en 1769, des gelées assez vives, précédées de pluies, surprirent le raisin sur le cep dès le commencement d’octobre ; plusieurs particuliers se hâtèrent de vendanger & de porter dans la cuve les raisins couverts de glaçons : la fermentation ne commença à être sensible que lorsque la masse eut enfin acquis le degré dix de chaleur ; & dans plusieurs endroits il s’écoula un mois depuis le jour de la vendange jusqu’à cette époque. Ainsi, du point de la glace jusqu’au degré dix, il y a eu un mouvement intestin dans la vendange ; cette vendange s’est mise peu à peu à la température de l’atmosphère & du lieu où elle étoit renfermée ; enfin, la chaleur progressive a amené celle de dix degrés. J’ai constamment observé ce phénomène dans toutes les années froides. Si, au contraire, la chaleur de la masse est toute de 12 à 15 degrés au moment qu’on la jette dans la cuve, la fermentation eu sensible peu d’heures