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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/506

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raisin, que le peu d’esprit ardent déjà formé y tient en dissolution ; de l’air combiné qui, dans le même état que celui des eaux minérales aériennes, communique aux uns & autres un montant, un piquant que l’on appelle vineux.

Ce que je viens de dire des vins formés par des raisin mûrs, & trop remplis d’eau de végétation, s’applique de même à ceux qui ne sont pas mûrs ; ils contiennent dans cet état moins de corps muqueux sucrés. Il se forme donc, pendant leur fermentation, encore moins d’esprit de vin. Ce vin sera foible, petit & plat, & il aigrira facilement ; mais le plus mauvais vin, sans contredit, sera celui qui proviendra d’un raisin âpre, dont le muqueux déjà de si mauvaise qualité, nagera dans beaucoup d’aquosité, & où le muqueux doux sera peu sensible. Le vin n’auroit point eu ces défauts, si le raisin fut parvenu au point de la maturité capable de changer le muqueux austère en muqueux doux.

Un vin de cette espèce n’a presque, comme je viens de le dire, que le piquant donné par la présence de l’air combiné, développé par la fermentation, & qui adhère foiblement aux parties de la liqueur dont il est le lien d’union. Aussi cet air s’échappe aux moindres mouvemens de la liqueur ou des alternatives du chaud & du froid, & sur-tout pendant la durée des vents du sud ; dès qu’il s’est échappé, la liqueur prend un goût fade, légèrement tartreux, elle devient trouble, aigrit ou pousse, enfin donne peu d’esprit ardent.

Le vigneron le moins instruit, ou le particulier peut aisément prévoir les mauvais effets d’un vin fait avec le muqueux dont on a parlé, surtout s’il juge par comparaison avec les vins des années précédentes. Afin de prononcer avec connoissance de cause, il examinera l’âge & la qualité des plants de sa vigne, (une jeune vigne donne toujours un vin aqueux) le goût du raisin, du moût, la viscosité, la chaleur de l’année, du jour de la vendange, & l’espace de temps qu’il reste ordinairement à compléter fa fermentation dans la cuve.

Il résulte de ces principes, que si on parvient à supprimer une partie de l’aquosité du moût, on opérera ce que la pleine maturité auroit fait dans une année plus favorable, c’est-à-dire, que l’on concentrera davantage la matière sucrée & mucilagineuse par l’évaporation de l’eau surabondante ; dès-lors la fermentation sera plus forte en raison de la concentration des principes dans une proportion convenable. Si cette concentration étoit trop forte, la fermentation seroit presque nulle ou très-lente, comme on le voit dans les vins appelés de liqueur. Tâchons par art d’imiter les procédés de la nature.

Du moût bouillant ou qui a bouilli, il résulte trois points essentiels ; 1°. le bouillant excite la fermentation, lui donne le premier branle en communiquant promptement à la masse de vendange une chaleur de dix degrés environ : nous avons dit qu’à ce degré elle commençoit à être sensible, & que la lenteur avec laquelle s’exécute la fermentation, devient une perte réelle de plus de spiritueux & d’air fixe.

2°. Le moût bouilli jusqu’à une certaine consistance, a perdu environ le tiers de son eau de végétation ;