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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/514

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que chacun peut s’en convaincre par lui-même.


CHAPITRE III.

De la manière sensible dont la fermentation s’exécute.


Après avoir parlé en général des causes, & avoir rassemblé les matériaux de la fermentation ; après avoir découvert les défauts qu’elle peut avoir, indiqué les correctifs nécessaires afin de l’établir tumultueuse & bonne, actuellement ne quittons plus la cuve depuis qu’elle est remplie & que le chapeau est formé, afin d’épier la nature & suivre les mouvemens qui vont changer le moût en vin. Je ne considérerai pas en chimiste, l’ordre des combinaisons, la manière dont les substances agissent les unes sur les autres, ce seroit peut-être embrouiller les idées du cultivateur ; il s’agit ici de parler plus à ses yeux & à son goût, qu’à son esprit par une digression scientifique. Au mot Raisin j’examinerai, d’une manière plus directe, la nature de chaque substance dont il est composé ; mais actuellement je dois sacrifier la petite gloriole de la science à l’instruction de la classe commune des lecteurs.

Suivant la manière d’être de la saison, du jour de la vendange, &c. & sur-tout suivant les espèces de raisins, le premier signe de la fermentation paroît plus ou moins promptement. Ce premier signe est un amas de petits globules très-peu colorés, blanchâtres, pressés les uns contre les autres, qui se logent les uns contre les parois de la partie supérieure de la cuve, & sur-tout dans ses angles si elle est quarrée ; c’est-à-dire, dans les endroits où l’air trouve plus de facilité pour s’échapper ; le défaut de couleur vineuse vient de ce qu’il n’y a pas encore assez d’esprit ardent formé dans la cuve, ou que le peu qui y existe, n’est pas capable de dissoudre les parties colorantes du raisin.

Un petit sifflement se fait entendre, il est dû à l’air qui commence à s’échapper de la masse fermentante ; un petit bouillonnement devient sensible, c’est le bruit occasionné par l’explosion des petits globules. À mesure que la fermentation augmente, le sifflement augmente, les globules sont plus nombreux, plus gros, leur explosion plus forte, &. par conséquent le bruit qu’on appelle bouillonnement est plus fort. Moins le chapeau sera compacte, & plus l’un & l’autre feront sensibles & tumultueux. À mesure que le bouillonnement augmente, la masse fermentante s’élève graduellement, & la surface du chapeau se dessèche ; c’est un effet, comme je l’ai déjà dit, de l’augmentation de chaleur & du ballonnement des grains non écrasés, ou des pellicules pleines de mucilage & boursouflées, & de la dilatation du fluide. Tant que l’on voit la vendange s’élever dans la cuve, c’est un signe certain que le moût n’est pas entièrement changé en vin. Lorsque la cuve est dans son grand feu, pour me servir de l’expression technique, l’élévation du marc arrive à son maximum ; c’est-à-dire, à son plus haut point, ainsi que la fermentation ; & le bouillonnement est très-considérable, & plus qu’il ne l’a encore été. Suivant les années, suivant les espèces de raisins, je ne saurois trop le répéter, le marc reste plus ou moins stationnaire dans son éleva-