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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/534

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le palais d’un gascon, d’un languedocien, d’un provençal, &c. chargés du goût & de l’odeur de l’ail, ne peut pas aussi sainement discerner la saveur sucrée ou vineuse, que celui de tout autre homme, & encore cette restriction ne va-t-elle que jusqu’à un certain point. Comme je déteste l’ail, j’ai préféré de tenir dans la bouche, de l’assa fætida, & goûter le vin à l’approche du complément de la fermentation : maigre cette saveur rebutante, j’ose assurer que j’ai très-bien distingué la saveur purement sucrée, de la saveur vraiment vineuse ; il est clair que ces saveurs n’étoient pas aussi prononcées que si l’assa fætida n’avoit pas infecté mon palais ; mais je voulois juger par les grands effets, & faire taire toute répugnance. Ne m’en rapportant pas à moi, parce que je me défiois de ma prévention, j’ai fait approcher maintes fois des enfans près de la cuve, au moment du décuvage, & après leur avoir donné du vin non fait, je leur demandai quel goût ils lui trouvoient : tous m’ont unanimement répondu, il est doux. Lorsque je leur présentois du vin fait, ils disoient : il est piquant, & plusieurs jeunes filles faisoient la grimace & redemandoient du premier. Des lecteurs sévères traiteront cette épreuve de puérilité. Eh bien, je suis de leur avis, s’ils le veulent, mais je ne la regarde pas comme telle.

Avant de terminer cet article, je crois devoir rapporter une jolie & sur-tout très-instructive expérience que l’on doit à dom Le Gentil. Elle fera très-utile à ceux qui savent réfléchir.

Sur la cuve de la seconde expérience de dom Le Gentil, & dont j’ai parlé plus haut, après avoir uni la surface du chapeau, il a placé une cloche de verre dont l’ouverture étoit posée directement sur le chapeau ; lorsque la chaleur de la fermentation fut à degrés, il s’éleva des gouttelettes qui tapissèrent les parois intérieures & inférieures de la cloche, à la hauteur de cinq pouces ; elles étoient diaphanes, claires, douces & sucrées, & le haut de la cloche étoit sec. À la chaleur de 19 degrés, les gouttelettes ont paru à plus de six pouces de hauteur, & elles étoient douces & miellées, la fermentation étant au vingt-quatrième degré de chaleur, la cloche étoit remplie, depuis sa base jusqu’au sommet, des mêmes gouttelettes claires, transparentes. L’odeur qui sortoit de l’intérieur de cette cloche, étoit agréable, & ressembloit à une foible odeur d’esprit-de-vin. Il posa dans un seau d’eau froide, cette cloche renversée, de manière que ses parois & son fond à l’extérieur, touchoient cette eau. Les gouttelettes rassemblées & condensées, s’écoulèrent au fond de la cloche ; il y en avoit quatre cuillerées à bouche. Leur saveur fut trouvée assez semblable à celle de la petite eau-de-vie qui précède l’eau-de-vie dans la distillation ordinaire du vin. En l’avalant, &après l’avoir goûtée, cette saveur a disparu ; l’Auteur pense avoir pris l’odeur pour la saveur.

Au décroissement de la fermentation, & la chaleur étant encore de vingt degrés, la cloche qui étoit restée pendant huit heures & demie sur la croûte, étoit couverte, dans tout son intérieur, de gouttelettes sans nombre, plus abondantes encore que la dernière fois. L’odeur de l’intérieur de la cloche, étoit semblable à celle de l’esprit-de-vin. Cette eau, goûtée par des personnes accoutumées à distiller de l’eau-de-vie, avoit une odeur