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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/536

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longue se décomposer, qu’aucun n’est éternel ; ainsi l’exsiccation prolonge seulement la durée.

Lorsqu’on a tiré le vin de la cuve, qu’il est vidé dans les futailles, il y continue pendant quelque temps encore sa fermentation tumultueuse, à moins qu’on ait décuvé lorsque toute la masse de la vendange a cessé de fermenter, & lorsqu’elle a perdu toute sa chaleur, de manière qu’elle est à la température de celle du cellier ; dans ce cas, le vin est certainement très-dur, très-plat, très-grossier. Dès que ce dernier prolongement de la fermentation tumultueuse a cessé, commence l’insensible qui perfectionne ce que l’autre a dégrossi. Si l’on considère cette liqueur dans le tonneau, dans une bouteille, on ne découvre aucune apparence de mouvement, mais il n’existe pas moins. Le sucre mis dans l’eau, & déjà cité pour exemple, en est la preuve. Si on en veut une plus convaincante, on peut considérer les douves d’un tonneau bien bouché, lorsque les vents du midi règnent avec force, ou bien au renouvellement de la chaleur du printemps, & dans sa seconde crise au mois d’août ; pour peu que les douves joignent, que le fausset soit de bois spongieux, on voit la liqueur suinter, former un mucilage dans ces endroits. Si le vent du nord s’élève, si la chaleur diminue, tout reste dans l’ordre, le mucilage se dessèche & le fluide se concentre sur lui-même. Dans le premier cas, il occupoit donc un plus grand espace ; dans le second, il avoit donc moins de volume : ces changemens n’ont pu arriver sans un mouvement intestin de toutes les parties : la liqueur dans le thermomètre, démontre par ses oscillations, la contraction ou l’extension de ces liqueurs. Le vin mis en bouteille se soutient beaucoup plus long-temps que dans le tonneau, parce qu’il y est en plus petite masse, qu’il y a moins de mouvement, & enfin l’air a moins de facilité à se débander ; mais si la liqueur touche le bouchon, on court grand risque de voir tout éclater, si le lieu qui les renferme n’a pas toutes les qualités d’une bonne cave ; (voyez ce mot). En supposant toutes ces qualités réunies, le vin éprouvera plus foiblement, il est vrai, le mouvement de la fermentation insensible, mais à la fin il se décomposera : le grand point est d’éloigner, autant qu’il est au pouvoir de l’homme, cette fatale décomposition. Nous en indiquerons, au mot Vin, les moyens convenables.

Tant qu’a duré la fermentation tumultueuse dans la cuve, tous les efforts se sont faits contre le haut, & on pourroit les appeler précipitations en haut, parce que tout étoit dans le trouble & dans la confusion, & que chaque partie, entraînée par le tourbillon général, n’étoit pas alors spécifiquement plus pesante que les autres, & l’air & la chaleur agissoient avec violence pour se dissiper. Dans la fermentation insensible, les opérations sont tranquilles, chaque corps y agit par sa gravité respective ; les plus grossiers se précipitent, insensiblement ils forment la lie dans les tonneaux, les dépôts dans les bouteilles. La partie colorante s’attache contre leurs parois, elle devient indissoluble, elle s’en détache, la liqueur n’a plus sa belle couleur première ; enfin ce vin tend insensiblement à se décomposer : plus il aura été liquoreux, & plus sa dégradation