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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/582

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À l’abri des injures des météores, ces tendres nourrissons grandissent insensiblement jusqu’à ce qu’ils soient pourvus d’une force assez grande pour briser les entraves qui les tenoient enchaînés. Les premiers mouvemens de la sève, l’impulsion qu’elle imprime à toutes les parties qu’elle touche, la rigidité de leurs fibres, qui devient assez considérable pour pouvoir être élastique ; enfin, la douce chaleur du soleil, qui dilate tout ce qu’elle pénètre, hâtent leur développement. Les écailles tombent, le suc visqueux qui les tenoit collées se dessèche, la feuille s’élève au-dessus du bouton, elle se déplie ou se déroule ; enfin, elle s’étale toute entière à la lumière. D’abord sa couleur d’un vert blanchâtre, annonce sa délicatesse & sa foiblesse ; mais bientôt elle prend de la force, ses organes s’affermissent, le suc parenchymateux entre en fermentation, sa couleur prend la nuance qu’elle doit avoir ; son pétiole élastique, solide & mobile en même temps, lui apporte une partie de sa nourriture, la sève ascendante : tandis qu’elle même, balancée dans les airs, soutire de l’atmosphère tous les principes, qui concourent à la formation de la sève descendante ; enfin, elle embellit & nourrit la plante qui la porte.

Section II.

Forme des Feuilles.

Un très-ancien proverbe dit, qu’il n’y a point de feuilles qui se ressemblent ; ce proverbe peut s’entendre de deux façons : ou il s’agit de feuilles de même espèce & du même arbre, ou il s’agit des feuilles des plantes diverses ; dans le premier cas, toutes les feuilles du même arbre, de la même plante se ressemblent essentiellement, elles ont la même force particulière, qui ne varie qu’accidentellement pour la grandeur, la largeur, &c. Dans le second cas, elles ne se ressemblent point, & l’on peut dire avec Malpighi, que chaque espèce de plante a une feuille propre. Quelle étonnante variété n’existe-t-il donc pas dans la forme des feuilles, aussi multipliées que les espèces. Un botaniste peut souvent reconnoître une plante à sa feuille, & si ce caractère n’eût pas été aussi étendu, peut-être auroit-on cherché à en faire un système, de même qu’on l’a fait pour les fleurs & les fruits. M. Adanson dans sa Famille des plantes a trouvé dans leur figure, leur situation, leur enroulement, & leur durée, de quoi établir quatre systèmes particuliers ; mais nous nous en occuperons plus bas.

Notre projet n’est pas d’entrer ici dans les détails immenses qu’offrent les feuilles par rapport à leur figure & à leur situation ; ils appartiennent plutôt à un traité ex professo de botanique, & après Linné, personne n’a traité cet objet aussi bien que M. l’Abbé Rozier, dans ses Démonstrations Élémentaires de Botanique ; le Chevalier de la Marck, dans la Flore Françoise, & M. Durande, dans ses Notions Élémentaires de Botanique. Nous ne les suivrons pas dans tous ces détails essentiels pour le botaniste, mais nous ne pouvons nous dispenser de tracer ici les principaux caractères que nous offrent les feuilles.

§. I. Feuille considérée par rapport à la figure. Nous diviserons d’abord toutes les feuilles en deux grandes