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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/601

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gouttière s’élargit, les feuilles s’abaissent, reprennent leur direction, & la nuit arrivée, elles se renversent & se ferment en se dirigeant vers la terre.

Toute plante élevée dans un endroit obscur, ou s’étiole, si elle est absolument privée de lumière, ou elle dirige ses feuilles du côté où la lumière pénètre jusqu’à elle. Rien ne peut détruire cette faculté dans les feuilles, qu’une altération marquée dans le pétiole. Il n’est pas même nécessaire que la feuille tienne à la tige, détachée & renversée en sens contraire ; si elle est libre, elle se retournera encore, l’eau même dans laquelle elle sera trempée, ne pourra s’opposer à ce mouvement.

Tels sont les phénomènes singuliers & principaux que les feuilles offrent à l’observateur attentif. Quelle en peut être la cause & le mécanisme ? M. Bonnet a cru les trouver dans l’influence de la chaleur et de l’humidité, & dans la différence des deux surfaces de la feuille. Il regarde la surface supérieure comme capable de se contracter par la chaleur & l’action des rayons de la lumière, & la surface inférieure par celle de l’humidité ; & il regarde les trachées, comme les vaisseaux du pétiole les plus propres à produire le retournement ; voici à-peu-près comment il explique ce mouvement. Les fibres de la surface supérieure, contractées par la chaleur qui se fait sentir au-dessus d’elles, déterminent la feuille à se tourner peu-à-peu du côté où la chaleur agit avec plus de force ; la surface inférieure se prête avec d’autant plus de facilité à ce mouvement, que ses fibres sont alors dans un état de relâchement ou de dilatation, occasionné par la chaleur que la nouvelle position leur a fait souffrir ; l’humidité qui agit ensuite pendant la nuit sur la surface inférieure, concourt à faire reprendre à la feuille sa première direction. Si donc on vient à retourner une branche, une feuille, sa partie supérieure regardant la terre, éprouvera un effet tout contraire à celui qu’elle éprouvoit lorsqu’elle regardoit le ciel. L’humidité qui viendra la frapper, relâchera ses fibres, tandis que la lumière directe & la chaleur agissant sur la surface inférieure tournée du côté du ciel, contractera ses fibres. Ce relâchement d’une part, & cette contraction de l’autre, obligeront la feuille de se retourner. Il arrive exactement alors à la feuille, par rapport à l’effet de la chaleur & de l’humidité, ce qu’il arrive à ces petits hygromètres où l’on voit deux petites figures suspendues par une corde à boyau ; l’humidité contractant cette corde, fait tourner les petites figures à droite, & la sécheresse la relâchant, les fait tourner à gauche.

§. II. Feuille considérée comme pompant la sève descendante. On doit consulter, avant de lire cet article, ce que nous avons dit au mot Air, T. I. p. 318, sur l’introduction de l’air dans les plantes par les tiges & les feuilles. Lors que nous avons dit que l’arbre & la plante se nourrissoient également par les parties cachées dans la sève & par celles qui sont exposées à l’air, & que nous avons ajouté que les feuilles étoient des racines aériennes, nous avons promis de le démontrer ici. Oui, les feuilles, telles qu’elles sont composées, sont de vrais suçoirs par lesquels la plante