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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/654

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gers. Les écrivains qui sont venus ensuite, n’ont rien ajouté aux détails que ces deux observateurs avoient donnés. Écoutons parler M. Tournefort.

« Pline a remarqué que l’on cultivoit dans Zia, les figuiers avec beaucoup de Soin ; on continue encore aujourd’hui la caprification. Pour bien comprendre cette manufacture de figues, il faut remarquer que l’on cultive, dans la plupart des îles de l’Archipel, deux sortes de figuiers. La première espèce s’appelle omos, ou figuier sauvage, le caprificus des latins, d’où on a tiré le mot caprification ; la Seconde espèce est le figuier domestique. Le sauvage porte trois sortes de fruits appelés sornites, cratitires & orni, absolument nécessaires pour faire mûrir ceux des figuiers domestiques. Ceux qu’on appelle sornites paroissent dans le mois d’août, & durent jusqu’en novembre sans mûrir ; il s’y engendre de petits vers, d’où sortent certains moucherons qu’on ne voit voltiger qu’autour de ces arbres : dans le mois d’octobre & de novembre ces moucherons piquent d’eux-mêmes les seconds fruits des mêmes pieds de figuiers ; ces fruits que l’on nomme cratitires ne se montrent qu’à la fin de septembre, & les sornites tombent peu à peu après la sortie de leurs moucherons. Les cratitires restent sur l’arbre jusqu’au mois de mai, & renferment les œufs que les moucherons des sornites y ont déposés en les piquant : dans le mois de mai la troisième espèce de fruit commence à pousser sur le même pied de figuiers sauvages qui ont produit les deux autres. Ce fruit est beaucoup plus gros, & se nomme orni ; lorsqu’il est parvenu à une certaine grosseur, & que son œil commence à s’entrouvrir, il est piqué dans cette partie par les moucherons des cratitires, qui se trouvent en état de passer d’un fruit à un autre pour y déposer leurs œufs. »

» Il arrive quelquefois que les moucherons des cratitires tardent à sortir dans certains quartiers, tandis que les orni de ces mêmes quartiers sont disposés à les recevoir : on est obligé dans ce cas-là d’aller chercher les cratitires dans un autre quartier, & de les ficher à l’extrémité des branches des figuiers dont les orni sont en bonne disposition, afin que les moucherons les piquent : si l’on manque ce temps, les orni tombent & les moucherons des cratitires s’envolent. Il n’y a que les paysans appliqués à la culture des figuiers qui connoissent les momens, pour ainsi dire, auxquels il faut y pourvoir, & pour cela ils observent avec cela l’œil de la figue. Non-seulement cette partie marque le temps où les piqueurs doivent sortir, mais aussi celui où la figue doit être piquée avec succès : si l’œil est trop dur, trop serré, le moucheron ne sauroit y déposer Ses œufs, & la figue tombe quand cet œil est trop ouvert. »

» Ces trois sortes de fruits ne sont pas bons à manger, ils sont destinés à faire mûrir les fruits des figuiers domestiques. Voici l’usage qu’on en fait. Pendant les mois de juin & & de juillet, les paysans prennent les orni dans le temps que les moucherons sont prêts à Sortir, & les vont porter tout enfilés dans des fétus sur les figuiers domestiques. Si l’on manque ce temps favorable, les orni tombent, & les fruits du figuier domestique ne mûrissent pas