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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/674

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toutes ses autres productions par la beauté, la vivacité des couleurs, l’élégance des formes, la douceur des parfums. Quelle variété ! quelle magnificence ! quelle richesse ! Rien ne flatte plus les sens ; rien n’attire plus nos regards ; rien ne semble captiver davantage nos goûts légers que les fleurs. Qui peut voir une rose entr’ouverte aux rayons du soleil naissant, chargée encore des gouttes cristallines de la rosée, & mollement agitée sur sa tige légère par le vent frais du matin ; qui peut l’apercevoir sans éprouver une douce sensation qui le pousse vers elle, sans y porter ses pas pour la cueillir, sans s’enivrer du parfum divin qu’elle exhale ? Un tapis immense de verdure s’offre à mes yeux ; un ruisseau limpide roule ses flots à travers cette prairie, & répand de tous côtés la vie & la fraîcheur. Au milieu de ces touffes vertes, je vois s’élever la tête radiée de la pâquerette : le blanc & le rose des franges de son diadème relèvent le jaune de sa tête ; le trèfle pourpré, le caille-lait à fleurs blanches & pendantes, cent variétés de renoncules & d’anémones, qui toutes attirent mes regards, & méritent que je les fixe un instant. Cueillerai-je ce bouquet bleuâtre, où cinq ou six fleurs de même espèce sont réunies, & le disputent à l’envi la douceur & la fraîcheur des nuances ? Non : à leurs pieds j’aperçois la douce violette : humble dans son port, elle n’annonce sa présence que par le divin parfum qu’elle exhale. À côté d’elle, la pensée solitaire étale la pourpre & l’or dont elle est embellie. Mais quelle est cette plante qui s’élève par-dessus toutes les autres ? Un épi de fleurs rougeâtres se balance dans les airs, & semble régner sur tout ce qui l’environne : c’est la grande consoude.

Mais me voilà arrivé au bout de la prairie : des bosquets enchanteurs m’offrent une retraite contre les ardeurs du soleil. Quel air parfumé l’on y respire ! déjà les grappes de lilas ont couronné les branches, & leurs petits tubes odoriférans s’éparpillent, & jonchent la verdure qui tapisse leurs pieds, tandis que l’arbre de judée épanouit ses fleurs, & se distingue à travers le vert de ses larges feuilles par la vivacité de ses nuances. Le long de ses tiges s’attache le chèvre-feuille, dont les bouquets multipliés, dispersés & mêlés avec ceux de l’arbre de judée, laissent deviner à qui ils doivent leur naissance. Les jasmins, moins élevés, garnissent d’un tapis épais de verdure les murs & les treillages, & semblent éparpiller de tous côtés leurs fleurs isolées : elles détachent leur corolle blanche ou jaune sur ce fond vert, comme on voit briller les étoiles dans l’azur des cieux. Quel est ce buisson de feu qui, placé contre les pilastres de ce portique de verdure, semble l’environner d’étincelles brillantes ? Mais mes regards sont fixés, tous mes sens sont ravis ; des touffes de roses naissent de tous côtés. Quelle douceur dans les nuances qui colorent le limbe de leurs pétales ! quelle vivacité dans les teintes qui ornent le centre de la fleur ! Tout ici inspire la volupté ; mes yeux s’élèvent & voient la rose percer & pendre de ces lambris de verdure ; elle verse une rosée de parfums délicieux ; ils s’abaissent vers la terre, & je la vois jonchée de ses feuilles légères, ou de petits buissons de rosiers nains m offrent de tous côtés d’élégantes