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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/693

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M. Ingen-Housz dans ses expériences sur les végétaux, parle de morts subites occasionnées par une quantité inconsidérée de fleurs tenues dans une petite chambre à coucher étroitement fermée. Comme ce poison, dit-il, qui n’est redouté que de peu de personnes, se cache souvent sous le parfum le plus délicieux, il a quelquefois fait périr des personnes, dont on a attribué la mort subite à toute autre cause ; il y a eu dans l’été 1779, encore une femme trouvée morte dans son lit à Londres, sans qu’on ait pu attribuer cette fin tragique à une autre cause qu’à une grande quantité de fleurs de lis, qu’elle avoit placées près de son lit dans une petite chambre. Le savant Triller, dans ses ouvrages de médecine, cite la mort d’une jeune fille, qui fut tuée par les exhalaisons d’une grande quantité de fleurs de violettes, placées près de son lit dans un appartement exactement fermé. Comme les exemples frappent plus encore, & ont plus de poids sur le commun des hommes que les raisonnemens, citons encore deux faits certains. Le premier est encore rapporté par M. Ingen-housz : en 1764 une jeune demoiselle couchée avec une servante dans une petite chambre, où étoit une grande quantité de fleurs, s’éveilla au milieu de la nuit dans une grande angoisse & prête à mourir : n’ayant pas la force de sortir de son lit, elle éveilla la servante, qui se trouvoit de même très-malade & en grand danger de mourir. Celle-ci eut cependant encore assez de force pour se lever, & pour mettre les fleurs hors de la chambre, d’ouvrir les fenêtres, de changer l’air, & de se sauver ainsi avec sa compagne du danger qui les menaçoit toutes deux. Le second s’est passé sous mes yeux : une femme de ma connoissance d’une santé assez bonne, quoiqu’un peu délicate, se plaignoit toutes les années de maux de tête violens qui l’affectaient ordinairement trois mois de l’année, mai, juin & juillet. Quelques remèdes qu’elle avoit faits, ne les avoit point dissipés, parce que, ne connoissant point les causes de cette singulière maladie, les médecins qui l’avoient traitée, & qui voyoient qu’à cela près elle jouissoit d’une bonne santé, ne lui avoient donné heureusement que des remèdes légers. Ces maux de têtes n’étoient jamais si violens que le matin ; le soir ils sembloient se dissiper. Au mois de juillet 1782, elle fut à la campagne croyant que l’air pur qu’elle y respireroit, dissiperoit sa maladie ; ce fut dans ces entrefaites que je fus passer quelques jours à sa campagne. Les maux de tête n’étoient point dissipés ; en effet, ils ne pouvoient l’être, puisque la cause qui les produisoit subsistoit toujours, & agissoit, si je puisse dire, avec plus d’énergie. Cette femme avoit l’habitude de garnir sa chambre d’énormes bouquets de fleurs durant ces trois mois, & tous les soirs on effeuillait sur son lit une grande quantité de roses. Est-il étonnant qu’elle ne se réveillât sans mal à la tête. Je l’avertis bientôt du soupçon que j’avois, que ces roses mêmes qu’elle chérissoit tant, qu’elle respiroit le soir avec tant de volupté, étoient la cause directe de ses souffrances. J’eus de la peine à la déterminer à en faire le sacrifice ; on se moqua de cette idée, cependant on le fit, & dès le lendemain plus de mal de tête. Depuis ce temps, on a