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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/703

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& le quatrième degré de jaune reviendra au second & peut-être au premier. L’humidité accidentelle des racines produiroit toujours cet effet, à moins que les tiges n’approchent presqu’entièrement du point de leur dessiccation. Il est donc évident que pendant ces alternatives & ces changemens de couleur, la marche de la nature est interrompue, la plante souffre, & la qualité intrinséque de l’herbe dégénère. Fauchez donc lorsque la plante contient le plus de sucs ; fauchez lorsque la fleur commence à nouer.

Je sais que ces assertions seront contredites, & qu’on objectera que la première coupe fournit une herbe grossière, chargée de tiges dures, & de beaucoup de plantes étrangères au bon fourrage. Il s’agit de s’entendre, & on sera bientôt d’accord.

Il est plus que probable que pendant l’hiver les troupeaux ont parcouru les prairies, & qu’on n’a cessé de les y conduire que lorsque le retour de la chaleur a ranimé la végétation de l’herbe. Dès-lors toutes les plantes sont broutées & au pair, c’est-à-dire, qu’il n’existe plus de vestiges des anciennes tiges de l’année précédente, & que toutes les plantes vont ensemble pousser de nouveau. La végétation, à cette époque, sera moins rapide que pendant l’été, par le défaut de chaleur ; l’herbe restera plus long-temps à croître, mais elle ne durcira pas, parce que l’humidité de la fin de l’hiver & du printemps la maintiendra toujours dans un état de souplesse (toute circonstance étant égale) & elle sera encore tendre & non coriace, si on la coupe au moment que la fleur commence à nouer, époque qui devance de 8 à 15 jours, celle où l’on a coutume de couper les foins, parce qu’on les coupe toujours trop tard, puisqu’on attend que la plante jaunisse. Cette couleur annonce qu’elle perd de sa qualité ; & en se conformant à la loi de la nature & non à une loi arbitraire, comme le plus ou moins d’intensité de la couleur jaune, on est assuré d’avoir un foin bien vert, bien odorant & très-substantiel, si la dessiccation a été conduite ainsi qu’il convient.

La coupe du regain, la première ou la seconde, n’a point d’époque déterminée ou de jour ou de mois ; elle dépend de l’état de l’herbe, de la saison plus ou moins pluvieuse, plus au moins chaude, & en général, le regain de la première coupe ne vaut jamais le foin coupé à propos, parce que la végétation de la plante a trop été hâtée par la chaleur, même dans les prairies arrosées à volonté. La saison seule donne la qualité à l’herbe, & l’art ne sauroit y suppléer. Cependant, si on a dévancé, à la manière de quelques anglois, la coupe des foins avant la floraison, il est constant que, dans un pays très-tempéré & dont l’atmosphère est naturellement humide, le second foin vaudra autant que le premier, & même mieux ; il sera plus fin, plus odorant, &c. ; mais ces exceptions ne détruisent pas la loi générale, & la coutume d’un pays devient pernicieuse dans un autre, lorsque toutes les circonstances ne sont pas absolument les mêmes. Je vois très-peu de provinces de France où la méthode angloise soit admissible.

Dans plusieurs endroits du royaume,