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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/375

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ment utile pour les gros arbres qu’on veut conserver à cause de la beauté & bonté du tronc, lorsqu’ils portent ou des fruits sauvageons ou de qualité inférieure.

Combien doit-on placer de greffes sur le même arbre ? Les auteurs sont peu d’accord sur ce sujet. La première chose à considérer est le diamètre du sujet ; la seconde, l’espèce de l’arbre sur lequel on choisira les greffes. Il n’est donc guères possible d’établir une règle fixe & invariable, puisque le nombre des greffes doit être & en raison du diamètre & en raison de la grosseur que ces branches acquerront par la suite, lorsqu’elles deviendront des mères-branches, puisque telle ou telle espèce de poirier, par exemple, donne des bois plus vigoureux que telle ou telle autre ; la qualité du sol dans lequel l’arbre végète, doit également être prise en considération ; il est aisé d’en prévoir les conséquences. On ne peut sagement opérer que d’après cet examen général. Placer des greffes à trois pouces de distance, ainsi que le déterminent quelques auteurs, c’est courir les risques de soulever toute l’écorce de l’arbre à greffer, & il lui sera très-difficile par la suite, pour ne pas dire impossible, de se réunir au tronc ; les greffes seront mobiles dans ce vaste bâillement de l’écorce. Admettons qu’elle ne sera point décollée du tronc ; mais il n’en résultera pas moins une multiplicité inutile de mères-branches, qui se froisseront, se presseront près de leur base sur le tronc, & finiront, étant agitées par les coups de vent, par user leur écorce dans l’endroit où elles se toucheront ; dès-lors il régnera une plaie presque perpétuelle. J’estime que sur une surface d’un pied de diamètre, & par conséquent de trois pieds de circonférence, six à huit greffes bien faites sont suffisantes. Je conviens que la coutume ordinaire est très-éloignée de mon assertion ; mais je dirai, à mon tour, pourquoi cette multiplicité de branches, tandis que trois ou quatre suffisent à la formation d’une belle tête d’arbre, & qu’elle se forme plus naturellement que lorsqu’il y a confusion ?


Section III.

De la Greffe par juxta-position, autrement dite en flûte, en chalumeau ou en canon, en sifflet, en anneau, en tuyau, &c.


Quoique toutes les greffes soient par juxta-position, cette dénomination convient plus particulièrement à celle-ci, puisqu’il est indispensable que toutes les parties se touchent le plus intimement possible, & qu’il y ait une juste proportion de grandeur & de grosseur entre la pièce greffant & le sujet à greffer.

Il paroît qu’un jeu d’enfant a procuré la première idée de cette greffe. Lorsque les arbres sont en sève, ils coupent des branches de la pousse de l’année précédente ; par exemple, du saule, du rosier sauvage, ou de tel autre arbre ; ils pressent avec leurs doigts, circulairement & du même côté, l’écorce contre le bois intérieur, commençant par le bas, & progressivement jusqu’à l’extrémité supérieure ; ils détachent doucement l’écorce du bois, la séparent & tirent enfin par le plus grand côté. Lorsque le bois est enlevé, l’écorce ressemble à un cylindre, à un chalumeau, à un canon, ou à une flûte, ou à un sifflet,