Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAP. IV. Des jardins à fleurs.
Sect. I. De sa situation, de la préparation du sol, &c.
Sect. II. Énumération des fleurs agréables ou odorantes.
Sect. III. Du tems de semer.
Sect. IV. Du tems de planter les oignons, les renoncules & les anemones.
CHAP. V. Des jardins de propreté ou de plaisance.
Sect. I. Des observations préliminaires avant de former un jardin.
Sect. II. Des dispositions générales d’un jardin.
CHAP. VI. Des jardins anglois.

CHAPITRE PREMIER.

Du Jardin potager ou légumier.

On doit faire une très-grande différence entre celui de l’homme riche & celui d’un simple particulier ; du jardin maraicher, à la porte d’une grande ville ou dans les campagnes. La disparité est encore plus forte entre les légumiers des provinces du nord, que l’on arrose à bras, & ceux des provinces du midi, arrosés par irrigation. (Voyez ce mot essentiel à lire.)

La richesse enfante le luxe, & le luxe multiplie les besoins, sur-tout les besoins superflus. Le financier veut à prix d’argent soumettre la nature à ses goûts ; rapprocher, pour ainsi dire, les climats, afin d’obtenir leurs productions diverses ; & aidé par l’art, jouir des présens de Pomone au milieu des rigueurs de l’hiver. Ces jouissances à contre-temps flattent la vue & la vanité ; le goût l’est-il ? C’est ce dont on se soucie bien peu. De-là le potager de l’homme riche doit avoir, au moins dans une partie, des quarreaux entourés & coupés par des murs, afin d’y placer les couches, les chassis vitrés, les serres chaudes, &c. ; le maraîcher voisin des grandes villes où les fumiers de lisière sont très-abondans, obtient à peu près les mêmes effets par des soins multipliés & jamais suspendus, par des abris formés avec des roseaux, des paillassons autour de ses couches, couvertes avec des cloches de verres, & de paille longue au besoin. Le maraîcher des campagnes, ou voisin d’une petite ville, profite des abris naturels, s’il en a, & attend patiemment que la saison de semer & de planter soit venue, suivant le climat qu’il habite.

Un Parisien qui voyage est tout étonné de ne pas trouver dans les provinces qu’il parcourt, les légumes aussi avancés que dans les environs de la capitale. Il y a un mois, dit-il avec un air de satisfaction, que l’on y mange des laitues pommées, des petits pois, des melons. &c. &c. ; & aussitôt il conclut que les maraîchers & jardiniers de l’endroit sont des ignorans. Tel est le langage de l’homme qui juge & tranche sur tout sans avoir auparavant examiné s’il est possible de cultiver autrement dans les provinces, c’est-à-dire, si le jardinier voulant & pouvant très bien cultiver comme dans les environs de la capitale, retireroit un produit capable de le dédommager de ses avances.

Les primeurs sont chèrement payées à Paris sur-tout, parce que l’argent y regorge : le litron de petits poius, qui y est vendu jusqu’à 200 livres, vaudroit un petit écu dans les provinces, & encore la vente en seroit douteuse. Cependant, pour se procurer cette primeur, le maraîcher de