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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/16

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Section II.

Du sol d’un Légumier, & de sa préparation.

Voulez-vous avoir des légumes monstrueux pour la grosseur ; ayez un fond de terre de deux pieds environ, uniquement composé de débris de couches, de débris de végétaux unis à quantité de fumiers, enfin une quantité d’eau suffisante aux arrosemens. Ces légumes seront magnifiques à la vue ; mais le goût sera-t-il satisfait ? non ; ils sentiront l’eau & le fumier. Les laitues, les herbages que l’on cultive en Hollande, sont monstrueux par leur volume, ils étonnent, & voilà tout. Leur graine transportée & semée ailleurs, quand les circonstances ne sont pas égales, la plante acquiert en qualité, en saveur, ce qu’elle perd en volume, & semée plusieurs fois de suite dans un terrein médiocre, elle revient par dégénérescence au premier point dont elle est partie, sur-tout s’il y a une grande différence dans le climat. (Voyez le mot Espèce.)

Désirez-vous obtenir des légumes bons & bien savoureux ; ayez une terre franche, modérément fumée & arrosée ; mais ce n’est pas le compte des maraîchers, il leur faut du beau & du promptement venu ; la qualité leur importe peu.

C’est d’après l’un ou l’autre de ces points de vue, qu’il faut choisir le sol d’un jardin. Comme on n’est pas toujours le maître du choix, l’art doit suppléer à la nature, & il en coûte beaucoup lorsqu’on veut la maîtriser. C’est au propriétaire à examiner le but qu’il se propose ; il travaille à se procurer des légumes pour sa consommation, ou pour en faire vendre la plus grande partie. Dans ce cas, qu’il dispose donc le sol de son jardin en conséquence ; voici une loi générale, capable de servir de base à la culture de tous les légumes en général. L’inspection des racines décide la nature & la profondeur du sol qui leur convient. Les plantes potagères sont ou à racines fibreuses, ou à racines pivotantes. (Voyez le mot Racine.) Il est clair que les premières n’exigent pas un grand fond de terre, puisque leurs racines ne s’enfoncent qu’à cinq ou six pouces de profondeur. Les secondes, au contraire, demandent une terre qui ait du fond, & une terre peu tenace. Sans l’une & l’autre de ces conditions, elles ne pivoteront jamais bien. Or, si le terrein n’est pas préparé par les mains de la nature, il faut le faire ou renoncer à une bonne culture. Afin de diminuer les frais, le propriétaire destinera une partie de son terrein aux plantes à racines fibreuses, & l’autre aux racines pivotantes, & lui donnera par le travail ou par le mélange des terres, la profondeur convenable. Il est aisé, dans le fond d’un cabinet, de prescrire de pareilles règles ; il n’en est pas ainsi lorsqu’il s’agit de les mettre en pratique ; le travail est long, pénible, très-dispendieux & souvent trop au-dessus des moyens du cultivateur ordinaire. Celui qui se trouvera dans ce cas, doit se résoudre à ne défoncer ou à ne mélanger chaque année qu’une étendue proportionnée à ses facultés ; s’il emprunte pour accélérer l’opération, c’est folie.

Il n’est pas possible d’attendre aucun succès, si on rencontre une terre argilleuse ; la préparation qu’elle de-