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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/164

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tipliée aujourd’hui, que souvent on tue un bœuf pour le seul plaisir d’en manger la langue, on y fait des courses de trois ou quatre lieues, monté sur ces animaux, aussi vite & en aussi peu de temps, qu’avec les chevaux de poste en France. Il ne s’agit pas ici d’examiner si ces bœufs au galop ont les allures & la souplesse du cheval, il suffit de prouver qu’ils sont susceptibles d’aller vite, & très-vîte ; & j’ajoute que j’en ai depuis deux ans une paire qui marche aussi vite qu’une paire de chevaux ou de mules, sans être plus fatigués que ceux qui vont plus lentement. Tout dépend du premier conducteur que l’on a donné à l’animal, & je réponds du fait d’après mon expérience. Le cultivateur peut donc acheter des bœufs qui n’aient pas encore labouré, & les mettre peu à peu au pas qu’il désire. Il ne sera pas difficile d’y parvenir ; mais la difficulté extrême sera de soumettre à cette marche preste, le laboureur, sur-tout dans les pays où la coutume est établie de labourer avec des bœufs. Dans les provinces où la culture se fait avec des chevaux, la chose est facile, parce que le valet est accoutumé à marcher plus vite.

J’ai voulu me convaincre par mes propres yeux de la différence qu’il y a entre la marche des mules avec celle des bœufs dans les premiers labours, ou labours de défoncement, Si j’ai vu que sur un sillon d’un quart-d’heure de marche, il n’y avoit pas six toises de différence. Je conviens qu’elle seroit plus considérable au troisième ou au quatrième labour, parce que les mules doivent avoir moins de peine que dans les premiers, attendu que leur masse est moins forte que celle des bœufs, & que c’est en raison des masses que réside la force pour tirer. J’invite le cultivateur, amateur de l’ouvrage bien fait, de comparer le sillon tracé par des bœufs, à celui fait avec des mules ou avec des chevaux ; il verra combien le premier est net, droit, sans inégalité, & plus profond que les autres. J’ai des chevaux, des mules & des bœufs, & je trouve une très-grande économie à me servir des derniers, sans parler de la supériorité de leur travail. Un point essentiel à observer lorsque l’on achette des bœufs, est de s’assurer de l’endroit où ils ont été élevés. Par exemple, des bœufs nés & nourris sur les montagnes & dans les lieux élevés de l’Auvergne, du Limosin, &c. sont en général très-peu propres aux pays de plaine, & ils ont beaucoup de peine à s’y accoutumer, soit à cause du changement de nourriture, soit à cause de la différence du climat, &c. S’ils ont été élevés dans des endroits secs naturellement, & par le sol, & par le climat, ils dégénéreront dans les lieux bas & humides, ainsi de suite, lorsqu’il se trouve une disproportion marquée. Peut-on se figurer que les bœufs vigoureux, par exemple de la Camargue, fussent d’un grand secours dans nos provinces du nord ? Ils pâtiront, languiront, & souffriront jusqu’à ce qu’ils soient acclimatés. On ne fait point assez ces réflexions, lorsque l’on achette le bétail dans les foires. On se contente d’observer s’il est en bon état, jeune & bien proportionné ; & on est tout étonné ensuite de le voir chez soi dépérir à vue d’œil ! On doit, autant qu’on le peut, se procurer le bétail né dans