Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’humidité de la terre, lui conservent sa fraîcheur & la rendent moins difficile à être pénétrée par l’insecte : c’est ce qui se passe dans les provinces du midi ; la terre y est quelquefois si dure, si sèche à sa superficie, que l’insecte est obligé de recourir & ce petit, mais ingénieux stratagème. Je ne pense pas qu’il en soit ainsi dans les provinces du nord, plus favorisées par les pluies, la terre y est par conséquent plus perméable à l’animal ; cependant au besoin le même instinct doit le conduire.

Ce fait paroîtra peut être extraordinaire, mais je m’en suis convaincu d’une manière si positive, que je ne puis aujourd’hui le révoquer en doute : voici ce qui a donné lieu à cette vérification. Une bouse de bœuf, après s’être desséchée au soleil, étoit soulevée dans toutes ses parties par la nouvelle luzerne qui repoussoit par dessous ; d’un coup de pied je jetai au loin cette croûte : je vis, à la place qu’elle occupoit auparavant, la terre beaucoup plus humide que dans les environs, & elle étoit criblée de trous ronds. Je crus d’abord qu’ils avoient été faits par le scarabé jayet, Scarabeus totus niger capite inermi, le scarabé gris, scarabeus pillularius, enfin par les différens insectes nommés bousiers & copris en latin, qui vivent sur les bouses. Je retournai au logis sans y faire plus d’attention, parce que mon esprit étoit prévenu d’une idée naturelle ; mais chemin faisant la largeur de l’orifice des trous me frappa, & me fit naître des doutes. Le hanneton ne pouvoit pas passer par des trous ouverts par les autres scarabés, dont on vient de parler ; ils auroient été plus larges s’ils eussent été l’ouvrage des cigales au moment qu’elles s’enterrent. Dans cette incertitude, je pris le parti de revenir sur mes pas, de faire ouvrir la terre, & après l’avoir enlevée à huit à dix pouces de profondeur, je trouvai les hannetons, mais non pas en nombre égal à celui des trous que j’avois vus ; les autres avoient déjà pénétré au-dessous de la fouille que j’avois faite. Quelque temps après j’eus occasion de faire encore la même opération, & au lieu de hannetons, je trouvai le scarabé rhinoceros. Ces deux places furent aussitôt marquées, chacune par un piquet fiché en terre, presque jusqu’à son sommet, afin qu’il ne pût être enlevé.

J’étois fort content de mon observation, & que l’on juge de mon étonnement, lorsque, l’année suivante, je ne vis aucune trace des dégâts causés par les larves de ces insectes ; mais il n’en fut pas ainsi à la seconde année, parce que leurs vers ou larves n’étoient pas assez forts pendant la première année pour attaquer les racines pivotantes de la luzerne. À la seconde année je vis des pieds de luzerne bien verds la veille, se flétrir le lendemain, & être desséchés trois ou quatre jours après ; alors, saisissant ces tiges avec la main, je les arrachai sans peine de terre, ainsi que la partie supérieure de leurs racines qui étoit cernée, rongée & coupée. Je ne doutai plus que ce ravage ne dût être attribué au hanneton & au rhinoceros, & une fouille m’en convainquit aussitôt. Il seroit trop long de décrire mes recherches postérieures, mais en voici le résultat :

Ces vers ou larves marchent toujours entre deux terres sur une ligne circulaire, & forment à la longue ce