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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/632

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très-nuisible à la santé de l’ouvrier.

M. de Morveau, ce savant & zélé citoyen, dont tous les momens sont consacrés à l’utilité publique, a trouvé un expédient capable de prévenir tous les inconvénient, & peu coûteux. Nous empruntons ses propres paroles.

« M. Loriot n’est pas le premier qui ait proposé de mêler une portion de chaux vive avec le mortier ordinaire ; mais il a l’avantage d’avoir le premier publié cette méthode en France ; de l’avoir annoncée avec des promesses fondées sur des expériences pratiques, capables d’éveiller l’attention & d’inspirer la confiance. Or, il est certain que c’est le plus souvent à ce dernier pas que tient l’utilité des découvertes. Elles restent dans les livres comme des trésors ignorés, que mille gens touchent sans en connoître le prix, & c’est celui qui nous en met en possession, qui mérite sur-tout notre reconnoissance. Il n’est donc pas étonnant que son nom se conserve dans la mémoire des hommes, avec l’idée de son invention, de manière à lui assurer la gloire de tout ce que le temps pourra y ajouter. »

» 1°. Il faut que la chaux vive soit réduite en poudre très-fine, sans cela l’action expansive seroit trop puissante, le gonflement deviendroit trop considérable. J’ai vu un enduit de dix lignes d’épaisseur se bomber en moins de deux minutes, de quatre pouces sur deux pouces de longueur, parce que la chaux n’avoit point été assez pulvérisée ; le frottement ne permettant pas une expansion pareille au mur, tout l’effort se porta en avant.

» 2°. Les parties de chaux vive doivent y être distribuées également, & dans une proportion avec la qualité absorbante de cette chaux : n’y en a-t-il pas assez, ou n’est-elle pas assez vive ? l’effet manque, il y a plus de mélange que de combinaison ; c’est un mortier qui n’est plus travaillé par l’affinité, qui contient une quantité d’eau surabondante, & dont l’évaporation laissera des interstices. Y en a-t-il trop, ou bien la chaux est-elle trop vive ? la dessication des parties voisines est subite, leur déplacement n’est plus successif, elles sont violemment heurtées par le mouvement expansif ; & au lieu de les attaquer, il les brise, comme lorsqu’on remanie un mortier trop sec : aussi ai-je constamment observé que, dans ces circonstances, ce mortier étoit friable & s’écachoit facilement, même après le refroidissement. »

3°. On doit observer & saisir le moment de mettre en œuvre cette préparation, peut-être avec plus d’exactitude encore que pour le plâtre : en rendant ce mortier plus liquide avant que d’y mêler la chaux vive, on peut empêcher qu’il ne prenne aussi promptement, mais c’est toujours aux dépens de la solidité ; la chaux se sature d’eau, elle fait tout son effet dans l’auge de l’ouvrier ; il croit employer le mortier de M. Loriot, & ce n’est plus qu’un mortier ordinaire, où l’on a mis une nouvelle portion de chaux éteinte ; il faut le prendre dans l’instant précis où il ne reste plus assez d’action à la chaux vive pour changer sensiblement ses dimensions sous la truelle, où il lui en reste assez pour opérer un mouvement intérieur qui se mette en équilibre avec la ténacité du mélange. C’est dans ce juste milieu qu’il