Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/758

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

garantie de l’ardeur du soleil ? Il est vrai que la tête du mouton est à l’ombre ; mais cette situation est plus dangereuse que l’ardeur du soleil, parce que la tête est penchée & environnée d’un air chargé de poussière, & infecté par la vapeur du corps des moutons, qui l’échauffe, & qui empêche qu’il ne se renouvelle ; aussi les moutons ne cachent leur tête que pour mettre leurs naseaux à l’abri de la persécution des mouches qui les cherchent pour y pondre leurs œufs ; dans ce cas, il faut conduire le troupeau dans un lieu frais.

Les moutons ne peuvent pâturer, lorsque la terre est couverte d’une assez grande épaisseur de neige pour empêcher qu’ils ne découvrent l’herbe avec les pieds ; alors on ne les conduit dans la campagne que pour les faire boire & pour les promener ; mais lorsque les vents sont très-grands & les pluies très-abondantes, il ne faut pas les faire sortir pendant le fort de l’orage ; il faut les mener paître le matin, au lever du soleil, lorsqu’il n’y a point de rosée ou de brouillard ; & lorsqu’il y en a, il faut attendre qu’ils soient dissipés. Dans le milieu du jour, lorsque la chaleur commence à fatiguer les moutons dans la campagne, ils cessent de pâturer, ils s’agitent, ils s’arrêtent, les mouches les tourmentent ; c’est alors qu’il faut les mettre à l’ombre dans un lieu frais & bien exposé à l’air, où ils soient éloignés des mouches, & où ils puissent ruminer à leur aise. Il seroit dangereux de les faire entrer en trop grand nombre dans une étable fermée ; ils pourroient y périr, suffoqués par l’air qu’ils auroient échauffé & infecté par la vapeur de leur corps & leur transpiration pulmonaire. On les remène au pâturage lorsque le soleil commence à baisser, & que le fort de la chaleur est passé, & on peut les laisser pâturer jusqu’à la fin du jour, & même pendant quelques heures de nuit, dans les cantons où l’herbe est assez grande & assez abondante pour être saisie facilement : mais lorsqu’elle est mouillée par le serein, il faut retirer le troupeau du pâturage, quoique beaucoup de gens croient que le serein n’est pas nuisible aux bêtes à laine, ou qu’il l’est moins que la rosée ; cependant c’est la même humidité froide, elle doit produire à-peu-près le même effet le soir que le matin.

§. V. Pourquoi éloigne-t-on les moutons des herbes qui leur sont nuisibles ?

Les moutons ne mangent pas les herbes qui pourroient leur être nuisibles par elles-mêmes ; quand on met quelques-unes de ces herbes dans leur râtelier, ils restent auprès pendant toute la journée sans y toucher, quoiqu’ils n’ayent aucune autre nourriture ; mais il y a des herbes qui, quoique de bonne qualité par elles mêmes, & quoique les moutons les mangent avec avidité, peuvent cependant leur faire beaucoup de mal dans certaines circonstances.

Les bonnes herbes qui peuvent faire du mal aux moutons, sont les trèfles, la luzerne, le froment, le seigle, l’orge, le coquelicot, & en général toutes celles que les moutons mangent avec le plus d’avidité, ou qui sont trop succulentes ; les herbes trop tendres & trop aqueuses, telles que celles des regains, celles qui se trouvent