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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/76

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convenablement, coupée par des canaux ou par des rivières, par des ruisseaux, variée dans ses produits, embellie par des masses dont on a su profiter ; en un mot, c’est la belle & simple nature parée de toutes ses grâces. Si l’art vient à son secours, il ne doit pas se faire remarquer dans l’ensemble, mais seulement dans quelques détails de bon goût.

Les Chinois, les Japonois sont les premiers inventeurs de ces jardins. Kœmpfer, dans son Histoire du Japon, dit que ce peuple a toujours dans son jardin, entr’autres ornemens, un petit rocher ou une colline artificielle, sur laquelle il élève quelquefois le modèle d’un temple ; que souvent on y voit un ruisseau qui se précipite du haut d’un rocher avec un agréable murmure, & que l’un des côtés de la colline est orné d’un petit bois, &c.

On imprima à Londres, en 1757, un ouvrage intitulé de l’Art de distribuer les jardins suivant l’usage des Chinois, où l’auteur s’explique ainsi : « Les jardins que j’ai vus à la Chine étoient très-petits ; leur ordonnance cependant, & ce que j’ai pu recueillir des diverses conversations que j’ai eues sur ce sujet avec un fameux peintre chinois, nommé le Pepqua, m’ont donné, si je ne me trompe, une connoissance de ces peuples sur ce sujet. »

» La nature est leur modèle, & leur but est de l’imiter dans toutes ses irrégularités. D’abord ils examinent la forme du terrein ; s’il est uni ou en pente ; s’il y a des collines ou des montagnes ; s’il est étendu ou resserré, sec ou marécageux ; s’il abonde en rivières ou en sources, ou si le manque d’eau s’y fait sentir. Ils font une très-grande attention à ces diverses circonstances, & choisissent les arrangemens qui conviennent le mieux avec la nature du terrein, qui exigent le moins de frais, cachent ses défauts, & mettent dans le plus grand jour tous ses avantages. »

» Comme les Chinois n’aiment pas la promenade, on trouve rarement chez eux les avenues ou les allées spacieuses des jardins de l’Europe. Tout le terrein est distribué en une variété de scènes ; des passages tournans & ouverts au milieu des bosquets, vous font arriver aux différens points de vue, chacun desquels est indiqué par un siège, par un édifice ou par un autre objet ».

» La perfection de leurs jardins consiste dans la beauté & dans la diversité de ces scènes. Les jardins chinois, comme les peintres de l’Europe, rassemblent les objets les plus agréables de la nature, & tâchent de les combiner de manière que non-seulement ils paroissent avec plus d’éclat, mais même que par leur union ils forment un tout agréable & frappant. »

» Leurs artistes distinguent trois différentes espèces de scènes, auxquelles ils donnent les noms de riantes, d’horribles & d’enchantées. Cette dernière dénomination répond à ce qu’on nomme scène de roman, & nos chinois se servent de divers artifices pour y exciter la surprise. Quelquefois ils font passer sous terre une rivière ou un torrent rapide, qui, par son bruit turbulent, frappe l’oreille sans qu’on puisse comprendre d’où il vient ; d’autres fois ils disposent les rocs & les bâtimens, & les autres objets qui entrent dans la composition, de manière que le vent