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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/115

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rabougris ou de médiocre venue. L’expérience a prouvé que de tels arbres profitent rarement.

Le bon cultivateur sait que la réussite dépend souvent des petites attentions. Aussi il a grand soin, lorsque la pousse de la greffe a quelques pouces de longueur, de l’assujettir doucement, avec un chiffon de drap coupé en lanière, contre le bout du sifflet qui excède la place de la greffe. Par ce moyen elle n’est point détruite par les coups de vent, &c.

Dans les observations qui m’avoient été communiquées par M. Duvaure, il étoit dit qu’au Courrier, près de Crest en Dauphiné, on greffoit les noyers en écusson. La possibilité de cette opération me surprit, & me porta à croire que l’auteur avoit sans doute pris involontairement un mot l’un pour l’autre. J’ai eu l’honneur de lui écrire à ce sujet ; la réponse qu’il a eu la bonté de faire à ma lettre, dissipe toute incertitude. En voici le précis.

Je ne me suis point trompé lorsque j’ai dit que l’on pouvoit greffer le noyer en écusson. J’ai pour moi, non seulement l’expérience depuis dix ans que je greffe ainsi de gros noyers & des noyers de pépinières, mais encore la pratique commune de la même greffe a six lieues à la ronde de mon habitation.

Depuis la réception de votre lettre, j’ai consulté les trois greffeurs que nous avons ici, & ce sont les seuls en ce genre dans nos environs.

Vous savez, comme moi, quelle patience, quelle justesse, quelle précision exige la greffe en flûte ; enfin la perte de temps qu’elle entraîne pour peu qu’elle soit multipliée, tandis que celle en écusson est bien plus expéditive.

Le seul inconvénient de la greffe en écusson, est d’être plus exposée à la rupture ou à la désunion par les coups de vent. On y remédie en coupant la pointe du jet à mesure qu’il pousse. Cette opération est répétée deux à trois fois au plus pendant la première année. La greffe en flûte exige la même précaution, mais elle est moins de conséquence.

La différence du temps seroit moins à considérer, si l’on greffoit toujours en pépinière où trois ou quatre greffe suffisent pour chaque arbre ; mais s’il s’agit de greffer de gros noyers épars çà & là & souvent très-éloignés les uns des autres, le prix du temps mérite d’être compté pour beaucoup.

La plus grande partie des anciens noyers, au moins du Dauphiné, ne sont point greffés, & leur récolte est très-casuelle. Pour la rendre plus sûre, les bons cultivateurs ont pris le parti de les greffer. Au mois d’octobre ou de mars, on couronne l’arbre à huit ou dix pieds au-dessus du tronc : il pousse des jets considérables pendant l’année, & au printemps de la suivante, on place sur les nouveaux jets depuis cinquante jusqu’à cent greffes sur des noyers d’environ quatre-vingt ans & bien sains. Vous devez juger par-là de quelle importance est le temps.

J’ai en mon particulier environ quarante gros noyers greffés en écusson dans l’espace de dix années ; tous ceux de ma pépinière le sont également. Ce sont des faits sur lesquels vous pouvez compter, & me citer comme garant de leur authenticité.

On doit lever les écussons dès que la greffe commence à être assez établie, & on les conserve dans l’eau