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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/117

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est naturellement plus spongieux que celui du tronc, la rigueur du froid pourroit l’endommager ; au lieu qu’en laissant, pendant l’hiver, l’arbre tel qu’on l’a tiré de la pépinière, il n’est point chargé de plaies, & son écorce le défend. Quelque temps avant qu’il entre en séve, on l’étête à la hauteur qu’on désire, & chaque plaie est aussitôt recouverte par l’onguent de saint Fiacre ; & pour plus grande sureté on l’assujettit au besoin avec un peu de paille, afin que les coups de vent ou les grandes pluies ne le détachent pas avant que l’écorce ait commencé à s’étendre sur la partie ligneuse de l’endroit coupé. Quant aux chicots d’un à deux pouces que l’on conseille de laisser, on doit sentir que ce n’est pas d’eux que partiront les nouvelles pousses ; qu’ils pourriront peu à peu, & formeront un chancre qui gagnera à la longue le tronc de l’arbre, & le rendra caverneux ; dès-lors voilà une perte réelle sur le prix de ce bois si précieux pour la sculpture, la menuiserie, &c. Peu d’arbres exigent, autant que le noyer, l’application de l’onguent sur ses blessures, afin de les soustraire au contact de l’air qui y cause la pourriture.

II. De la qualité du sol qui lui est propre, & à quelle distance on doit le planter. On ne cesse de répéter que le noyer vient par-tout ; cela est vrai jusqu’à un certain point, à moins que le terrain ne soit marécageux, & encore il y subsiste si l’humidité se dissipe pendant l’été. Mais végéter d’une manière languissante, ou croître avec vigueur, la différence est extrême, soit pour la beauté de l’arbre, soit pour la quantité & la qualité du fruit. La noix de l’arbre planté dans un fond trop fertile ou trop humide, ne donne pas autant d’huile que celle de l’arbre qui végète sur un sol élevé & un peu sec. L’on peut dire en général que le noyer aime les terres douces, un peu fraîches, & qui ont beaucoup de fond ; qu’il se plaît dans les vallons, sur les lieux un peu élevés ; qu’il aime les grands courans d’air ; que, proportion gardée, il réussit mal dans les terres trop argileuses, trop crayeuses ; qu’il leur préfère les graveleuses & les sablonneuses, enfin toutes celles dans lesquelles il peut facilement profonder ses racines.

Le produit de cet arbre est très considérable lorsque la saison favorise sa fleuraison ; mais sa valeur mérite-t-elle qu’on lui sacrifie celle de la production d’une bonne terre à froment, ou d’une prairie, ou d’une luzernière, &c. ? Je ne le crois pas : on voit des noyers couvrir de leurs, branches une étendue de plus de cent pieds de diamètre, sur laquelle il ne croît qu’une herbe rare & chétive. C’est au propriétaire à consulter son intérêt & non sa fantaisie, ou la coutume du pays, avant de planter cet arbre. Il me paroît qu’on ne doit le placer que sur les lisières des chemins, ou tout au plus sur les lisières des possessions, en observant la distance prescrite par la loi, & qui varie suivant les coutumes des provinces ; c’est au cultivateur à les connoître. Je vois toujours avec peine de bons champs plantés de noyers en totalité.

Lorsque l’on plante sur le bord des chemins, six à huit toises suffisent à la distance d’un arbre à un autre. Si on pense devoir sacrifier un champ à ces plantations, il faut au moins douze à quinze toises. Alors on pourra encore espérer quelques récoltes pen-