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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/123

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erreur qui s’est établie invinciblement : elle consiste à croire que cette façon d’abattre le fruit, est très-favorable à l’arbre ; erreur d’autant plus grossière que l’on ne sauroit cueillir les noix avec trop de précaution, parce qu’on abat une quantité de feuilles avec le fruit, & que foulées sur le terrain, elles y laissent un suc qui lui est très-pernicieux. Il n’y a d’autre moyen de remédier à ce préjudice que d’en enlever toutes ces feuilles & ces petites branches de dessus le sol, en y répandant de la cendre, ce qui seroit très-avantageux à l’arbre & à toutes les plantes qui sont aux environs.

Je conviens avec M. Hall, du mal que l’on fait aux rameaux en les gaulant, par les raisons indiquées ci-dessus ; mais lorsque l’arbre jouit d’une certaine élévation, il faudroit des échelles immenses, presqu’impossibles à manier, ou des échafauds portés sur des roulettes. Or, l’on conçoit avec quelle peine on remueroit, on disposeroit les uns ou les autres sur des sols inclinés, sur des coteaux, &c. C’est donc un mal inévitable, que de gauler, mais la main de l’ouvrier le diminue beaucoup, s’il est exercé à conduire la gaule.

Quant au suc dangereux que les feuilles communiquent au sol, c’est une supposition gratuite. On a grand soin ou de les laisser pourrir sur place, ou de les ramasser soigneusement afin d’en faire la litière sous le bétail. Certes, ce fumier n’est pas le plus mauvais, & l’expérience prouve qu’il ne nuit à aucune des productions de la campagne quand il est bien consommé. Les feuilles qui se dessèchent sur place, ne perdent que leur eau de végétation, & conservent tous leurs autres principes. Cependant en se décomposant par la pourriture, on ne voit pas qu’elles endommagent le sol ; entre la feuille sèche & la feuille verte, l’absence ou la présence de l’eau de végétation fait toute la différence ; elles ne lui nuisent pas plus dans un état que dans un autre.

Lorsque toutes les noix d’un arbre sont abattues, on passe à l’arbre voisin sur lequel on renouvelle la même opération, & ainsi de suite. Pendant ce temps, on remplit les sacs avec les noix ramassées, & on sépare celles qui sont détachées de leur brou d’avec celles qui lui restent encore attachées. Cette précaution n’est pas de rigueur, mais elle est avantageuse & épargne beaucoup de peine dans le grenier.

C’est communément dans des sacs que l’on transporte les noix du champ à la métairie ; on les étend sur le plancher du grenier, sur deux à trois pouces d’épaisseur, & chaque jour on les remue avec des râteaux de bois afin de dissiper l’humidité ; cette opération dure environ un mois & demi. Les noix qui tiennent au brou sont mises dans un semblable monceau, mais séparé, & à chaque râtelée on a soin de retirer le brou qui en est détaché. Dans quelques cantons on amoncelle pêle-mêle les noix avec leur brou ou sans brou, à la hauteur de plusieurs pieds ; c’est, dit-on, pour les faire suer, & on les laisse ainsi pendant quinze jours de suite plus ou moins : il en résulte que la fermentation s’établit dans le monceau, que l’amande travaille intérieurement, que sa chair s’altère, & que l’huile qu’on en retirera ensuite aura un goût fort.