Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beaucoup de séve, & ils poussent au sommet de fortes branches. On admire leur végétation, sans observer que ces branches ne seront bientôt plus proportionnées à la force du tronc, & qu’à la seconde ou à la troisième année, elles ne recevront pas une quantité de sucs proportionnés à leurs besoins, qu’elles languiront, ou enfin qu’on sera forcé de les charger de plaies en les ravalant. En outre, ces arbres fluets demandent des tuteurs pour les soutenir, & c’est une augmentation de dépense. Les pépiniéristes ne tiendront pas ce langage, ils vous feront admirer la beauté de l’écorce, des feuilles, &c. ; ils veulent vendre, voilà le point.

N’achetez & ne plantez donc que des arbres de fort calibre, ou de trois à quatre pouces de diamètre ; cependant ne vous trompez pas en prenant des plants vieux en pépinière ; vous les reconnoîtrez à leur écorce grisâtre & chargée d’écailles qui se détachent sans peine de l’épiderme. Lorsqu’on les étêtera, on verra une couleur brune, régner presque sur toute la partie ligneuse, signe caractéristique de vétusté dans la pépinière.

Après avoir choisi l’arbre qu’il désire, l’acheteur le fait étêter dans la pépinière, & les ouvriers armés d’une bêche ou d’une pioche, enlèvent la terre tout autour du tronc, & à la moins grande distance qu’ils peuvent, afin de ne pas endommager les racines de l’arbre voisin. Avec le tranchant de la bêche, ou avec la serpe, ils coupent les grosses racines, & lorsque après avoir déraciné l’arbre, elles ont huit à dix pouces de longueur, ils croient avoir fait des merveilles. Peut-on, de bonne foi, dire que c’est bien travailler, & que la nature a pourvu l’arbre de fortes racines, pour donner au pépiniériste le plaisir de les mutiler !

Comme il a eu grand soin de couper le pivot en transportant la pourrette du sol du semis dans celui de la pépinière, il n’est pas obligé de creuser profondément, puisqu’il ne doit rencontrer que des racines latérales, & presqu’à fleur de terre ; c’est aussi ce qu’il demande ; il a moins de peine, & il ménage les pieds voisins, après cela on est surpris de la longue & pénible reprise de l’arbre planté à demeure, & de la quantité de ceux qui meurent à la première ou à la seconde année ? Pour moi, je n’y vois rien que de très-naturel, & je suis même surpris qu’il n’en meure pas un plus grand nombre.

Le cultivateur raisonnable agit d’une manière toute opposée ; il dit : je travaille pour moi, pour mes enfans ; un petit surcroît de peine momentanée, & même de dépense, sera bientôt oublié ; je jouirai plus vite, plus amplement, & je serai bien dédommagé. Il commence par ouvrir une tranchée de trois pieds de profondeur, un peu avant le fond de la pépinière, & il jette la terre par derrière, de sorte que le voilà libre de manœuvrer. Ensuite il attaque la pépinière par la partie la plus basse de la fosse, & il abat la terre du dessus. Dès qu’il trouve des racines, il les ménage, les range sur le côté, jusqu’à ce qu’enfin il soit parvenu à déraciner l’arbre entier. Si son pivot a pénétré au-delà de trois pieds, il creuse plus profondément dans cet endroit, & fait ensorte de l’en retirer tout entier. Ainsi les grosses & les petites racines, & tous les che-