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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/595

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à la proximité d’une grande ville ; & que le propriétaire se propose de vendre son fruit, je lui conseille de tirer plus sur le fruit d’été que sur celui d’hiver, parce que le premier se vend beaucoup mieux. Ainsi, les cerisiers & guigniers des plus belles espèces seront très multipliés, ainsi que les poires muscat-robert, petit-muscat, madeleine, blanquette, rousselet, bon chrétien, &c. ; en un mot, les espèces les plus hâtives. Quant au fruit d’hiver, il exige des soins dans le fruitier ; il en pourrit beaucoup, & quoiqu’une belle poire d’hiver soit vendue plus chère que vingt-cinq à trente poires d’été, le bénéfice est encore en faveur du premier fruit, & on n’a eu aucun embarras. Voilà pour ce qui concerne l’économie ; mais le propriétaire aisé sera charmé d’avoir du fruit de toutes les saisons : il conduira donc sa pépinière en conséquence, & il n’y a plus de règle pour elle lorsque la fantaisie en devient la directrice.

On distingue deux choses dans la pépinière, la pépinière proprement dite & la bâtardière. La première est consacrée aux semis, & la seconde à la transplantation des sujets après la première, la seconde ou la troisième année du semis.


De la pépinière.

Je saisis cette occasion pour donner au lecteur une idée de la manière dont Olivier de Serres, sieur du Pradel, traitoit un sujet, & on verra qu’on devroit appeler ce grand homme, le patriarche des écrivains françois sur l’agriculture : d’ailleurs son vieux style est charmant & on ne peut plus expressif. Que d’écrivains lui doivent toute leur science !

« La pépinière est inventée pour commencer à l’origine les arbres du verger, lorsque le plant enraciné défaut. Sur-tout notterons que tous arbres généralement font semence, n’estant plante tant misérable qui ne contienne quelque grain en lieu apparent ou caché,[1] tendant à la conservation de sa race. Mais d’aucuns rendent la semence tant foible, qu’elle est presques inhabile à l’engeancement. Que particulièrement aucuns arbres doublement féconds s’édifient & par semence & par enracinement de branches : voire y en a-t il de tant facile eslevement, que sans refuser aucun moyen, tous peuvent estre assurément employés, c’est assavoir & la racine, & la branche, & la semence. »

» Par semence, nous esleverons les arbres que par autre voie ne pourrons faire commodément, & par branches, ceux dont la facilité de l’enracinement nous incite n’employer autre moyen, encores qu’ils viennent aussi par semence. Ceux-là sont poiriers, pommiers, cormiers, abricotiers, aubergers, toutes sortes de pêchers, cerisiers, pruniers, jujubiers, mesliers, cornouaillers, amandiers, noyers, pins, châtaigniers, coudriers, figuiers. Les premiers subdiviserons nous en arbres à pépin, à noyau & à fruit, les logeant ensemble en la pépinière, toutes fois par planches séparées, pour éviter confusion : les derniers en bastardière pour, chacun en sa place, s’enlever & accroître jusqu’à convenable grosseur pour pouvoir estre transplantés

  1. Ce que dit ici de Serres, il a fallu ensuite plus d’un siècle pour le confirmer.