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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/652

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autant que la maladie le demandoit, une partie de l’humeur pestilentielle destinée à sortir par là, se jeta sur quelque viscère essentiel à la vie.

Les dissections des cadavres ne prouvent que trop l’existence de ces dépôts gangreneux internes. On a trouvé le sang concret à l’intérieur, tandis que celui qu’on avoit tiré par la saignée, avoit un caractère de dissolution bien marqué. On a aussi souvent trouvé la bile affectée, & gorgeant les canaux. Mais Lieutaud rapporte des cas, (& c’est même une chose digne de remarque) où l’ouverture des cadavres n’a offert aucune altération sensible.

On ne sait pas encore quelle est la nature du miasme pestilentiel qui éteint soudainement le principe vital dans nos humeurs, & y produit la putréfaction. Il est prouvé que ce miasme ne les infecte pas toutes. D’un côté on a vu la peste communiquée par les plaisirs de l’amour ; de l’autre, des nourrices pestiférées ne la pas communiquer à leurs nourrissons. Le miasme pestilentiel une fois reçu dans le corps, tend toujours à produire des affections à la peau, & l’engorgement des glandes.

L’approche des malades est plus dangereuse lorsqu’ils sont agonisans, & les cadavres augmentent beaucoup la contagion. On lit dans la description de la dernière peste de Marseille, que M. de Langeron qui commandoit dans cette ville, osa se mettre à la tête d’une compagnie de cent hommes, pour faire traîner les cadavres qui n’étoient point inhumés, sur un bûcher, où il les fit brûler ; & que la plupart de ceux qui y travaillèrent, furent dans peu de temps attaqués de la peste, & brûlés sur le même bûcher qu’ils avoient dressé pour les autres. Le commandant échappa presque seul à la contagion.

Forestus rapporte qu’un vieux meuble qui avoit servi à un pestiféré, & qui avoit été mis dans un coin, fut bientôt couvert d’une toile d’araignées que tous ceux qui se trouvèrent exposés à l’action du miasme que la toile recouvroit, furent attaqués de la peste. Screibert raconte qu’un chirurgien, ouvrant le cadavre d’un pestiféré, & ayant porté imprudemment à la bouche le manche du scalpel, fut atteint de la peste. Un médecin de Vienne, ayant distillé la matière d’un bubon, & après avoir fait mettre le feu à ce qui s’en élevoit, fut si vivement frappé de cette vapeur, qu’elle lui causa un tremblement général qui faillit lui être funeste. Il osa encore mettre sur la langue le sel volatil qui s’étoit attaché aux parois du récipient ; il le trouva d’une âcreté & d’une causticité semblable à celle de l’eau forte.

Toutes ces observations tendent à prouver que la peste peut être communiquée, tant par le contact immédiat des personnes pestiférées & des meubles qui ont servi à leur usage, que par les exhalaisons & les miasmes dont l’air se charge. On peut se rappeler que la peste fut apportée il y a quelques années en Italie, par une corneille. Dans la dernière peste qui ravagea Marseille, les oiseaux quittèrent le pays, & ne revinrent qu’après qu’elle fut entièrement dissipée. C’est l’air qui en Égypte est comme le premier réceptacle, la première matrice où se dépose le virus pestilentiel, un des produits naturels de cette contrée mal-saine, & le veut