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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/66

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expédient ne suffit pas, on doit renoncer à planter des mûriers dans un sol qui leur convient si peu.

Le rabougrissement est encore une maladie du mûrier. Elle dépend presque toujours de la manière dont l’arbre a été planté, dont il a été conduit, & quelquefois du terrain. Dans cet état il semble rentrer en lui-même, ses pousses sont mesquines, maigres, fluettes, & avec toutes les marques de la misère ; son écorce écailleuse, raboteuse. On aura beau faire & beau travailler au pied, lui donner des engrais, s’il est depuis longtemps en cet état, c’est un arbre à arracher & à jeter au feu.

CHAPITRE XII.

Quelle espèce de feuille est préférable quant à la qualité de la soie ?

Ce problème n’est pas encore résolu, & ne le sera peut-être jamais. Il en est de la qualité de la soie, comme de celle des laines, des vins, &c. ; elles tiennent au climat, au sol & à l’espèce qui se plaît plus dans un lieu que dans un autre. On sent combien cette vérité fondamentale offre de modifications, de divisions & de sous-divisions à l’infini. Les brebis espagnoles, à laine fine, donneront-elles de semblable laine, si on les transporte en Flandres, & vice versà ? Les raisins de Malaga, de Madère, &c. donneront ils la même qualité de vin, transportés en Hongrie ou en Provence ? & ainsi du reste. Enfin, les plus belles soies d’Espagne, de France, seront-elles jamais comparables à celles de Chine, de Perse, &c. ? J’admets, si l’on veut, que dans quelques cantons d’Espagne, de France, & par les soins les plus assidus & les plus multipliés, on parvienne à avoir quelque peu de soie égale en beauté à celles de Perse. On citera cet exemple comme un modèle d’encouragement, & on fera très-bien, parce que chaque particulier doit perfectionner, autant qu’il lui est possible, la beauté, & par conséquent porter à un plus haut prix la valeur intrinsèque de ses récoltes ; mais j’ose dire affirmativement que la différence sera toujours très-grande entre la soie du Languedoc, de Provence, &c. & celle de la Bourgogne, de la Champagne, &c.

Admettons encore que l’on parvienne par-tout à avoir des soies de qualité supérieure ; je demande pour qui sera le bénéfice le plus clair ? Il sera pour celui qui fait filer, & non pour le petit particulier qui lui vend ses cocons. Ceux qui font métier de la filature ressemblent aux commissionnaires. (Voyez ce mot) Le petit particulier porte chez eux les cocons, & ces entrepreneurs lui disent, dans un mois ou deux vous serez payé, lorsque le prix des cocons sera établi. Or ce prix, c’est entre eux qu’ils le fixent, & bien entendu que ce n’est pas à leur désavantage. Il en résulte que le petit particulier qui a livré de très-beaux cocons, n’est pas plus payé que celui qui a donné des cocons moins beaux & plus médiocres. L’époque de la foire de Beaucaire, est celle où le prix des soies est fixé, & cette taxe devient à peu près celle de tout le royaume ; si elle varie ensuite, cela tient au prix plus ou moins fort des soies étrangères, ou aux spéculations de quelques gros financiers.